Les années passent et Eric Sapet ne change pas ; bien mieux, il fait corps avec son restaurant, une petite maison bourgeoise, face à un grand bassin protégé par d’immenses platanes séculaires. Une institution dans un cadre idyllique qui scintille la nuit de sa petite mais valeureuse étoile. En ce moment, on dresse les tables dès l’entrée, sous la tonnelle. Nappes blanches épaisses, confort et abandon sont de mise. Le service exclusivement féminin bouscule les codes et apporte une touche plus délicate qu’à l’accoutumée. La cuisine de Sapet est comparable à un bon vin qui prendrait de la rondeur et de l’ampleur avec l’âge. Toujours bourgeoise, elle rappelle cette époque bénie de ces effluves qui embaumaient les châteaux. Cuisine délicate, pour commencer, avec cette quenelle de brousse à la menthe surnageant sur un velouté de courgettes ; terriblement gourmande, ensuite, avec la quenelle de rouget, soufflée et légère, posée sur une bouillabaisse de giroles safranée. Il ose Sapet : la bouillabaisse et les champignons, il faut une sacrée dose de culot… mais quelle réussite dans ce mariage terre-mer rocailleux ! Suit un ravioli de cuisse de canard confite au foie gras sur une soubise d’échalotes caramélisées avec un bouillon d’asperges et mousserons coiffé d’une râpée de truffe d’été et la fameuse poitrine de cannette de Challans, cuite comme il faut, surtout pas sanguinolente. Cette viande rôtie d’une tendreté à défaillir s’accompagne de courgettes violons étuvées à la vanille et d’une sauce acidulée brillante aux cerises. Sapet ose mais Sapet s’amuse aussi, parsemant avec beaucoup d’a propos son plat d’éclats de dragées sucrées. Bien sûr, la carte des vins des Côtes-du-Rhône trouve dans ce répertoire tout son sens mais c’est aussi avec les vins AOP du luberon que vous trouverez votre bonheur. Demandez et vous verrez, rouges et blancs savent être épicés, corpulents, frais et vifs ! Pour finir ? Un financier aux amandes et fraises des bois à la crème citron-basilic et quelque chou-chantilly et une pana-cotta caramel. En fin de service, le chef fait son tour de salle avec humilité et un sourire heureux. Il a gagné son combat et a réussi à arrêter la course du temps. C’est rare d’écrire ça d’un chef.
Place Etang, 84160 Cucuron ; résas au 04 90 68 21 99. Menus 48 et 70 €.Cours de cuisine, bons cadeaux repas.
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