Posé en évidence devant elle, sur sa table de travail, un sachet de crocodiles piquants Crocopik de Haribo. Tout en brandissant le paquet et en souriant, Fabienne Roux explique : “Beaucoup de gens associent le goût d’un aliment à son odeur, notamment les cuisiniers. Lors des sessions de dégustation, j’invite les participants à se pincer le nez et à faire fondre un bonbon en bouche. Ils vont percevoir l’acide, le sucré ou l’amer. C’est lorsqu’ils se débouchent le nez qu’ils accèdent à l’odeur et comprennent tout le sens des dégustations que nous allons faire ensemble”. Fabienne Roux aime trop l’huile d’olive pour ennuyer ceux à qui elle en parle. Aussi émaille-t-elle toutes ses explications de détails et d’anecdotes aussi savoureuses qu’amusantes.
“Je me suis réellement intéressée à l’huile d’olive il y a 20 ans, se souvient-elle. Je sortais d’une formation en école de commerce et, pour moi, tout se vendait. Là, je me suis intéressée à la culture des sols, la taille, l’entretien, la cueillette, le pressage, c’était devenu ma passion” se souvient cette femme aux origines corses pour qui “l’huile d’olive vierge est une huile de goûts”. La production française d’huile d’olive atteint 0,2% du volume mondial annuel, une misère au regard des Italiens, Grecs ou Espagnols mais la France jouit d’une tradition et d’un savoir-faire qui placent notre production dans le haut de gamme. “Mes séances de dégustation ont pour objectif de mettre l’huile d’olive à la portée de tous dans des préparations quotidiennes. C’est bien beau d’avoir de belles et bonnes huiles mais qu’en fait-on, après ?” questionne celle qui opère jusqu’à 2500 tests d’huiles par saison.
Fabienne Roux a donc créé une “haute école” car elle voulait donner une ambition internationale à sa démarche : “Il s’agit de défendre un patrimoine ancestral, argue-t-elle. Je veux que la France fasse pour l’huile d’olive ce qu’elle a fait pour le vin”. Pour bien faire, elle rencontre des cuisiniers, les incite à réfléchir sur des associations culinaires et convainc qu’il n’y a pas une huile d’olive mais des huiles d’olive. “Il faut promouvoir le principe des AOC mais en parallèle, les producteurs doivent créer des gammes bien à eux, des gammes qui révèlent leur personnalité. Au côté des vins AOC, de plus en plus de domaines proposent des vins de table ou des vins de pays remarquables, il doit en être de même pour les huiles”.
Dans ses séances de dégustation, Fabienne Roux prône la subjectivité et explique à ses “élèves” qu’il n’y a pas de mauvais goût hormis dans les huiles qui ont des défauts ou qui sont bâclées. “La dégustation doit rester un plaisir” lance celle que toute sa famille a baptisée “Madame Olive”. “La dégustation, c’est un entraînement ; homme ou femme, tout le monde peut s’y essayer même si certains ont d’évidentes prédispositions” complète Fabienne Roux. “Je n’aime guère le mot oléologue car il convient à toutes les huiles (noix, colza, noisette…) énumère Fabienne Roux. Je préfère me qualifier d’élaïologue car la racine grecque elaïo est liée à l’olive”. Le génie de la dégustation se transmet-il ? “De mes trois garçons, c’est l’aîné qui a le plus de prédispositions mais il a choisi une autre voie, lance-t-elle. Il faut reconnaître que je les ai peut-être un peu saoulés avec ma passion”.
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