Dire que la profession est inquiète est une litote. Depuis quelques jours, les annonces de sortie très partielle du confinement le 11 mai, ne concernant pas les cafés, hôtels et restaurants, la panique prend le pas sur l’inquiétude. Comme le révélait le quotidien Les Echos du 23 avril dernier, près de 30% des restaurants pourraient ne pas survivre à l’épidémie, de quoi donner des sueurs froides.
Les appels des professionnels se multiplient. Ainsi, 18 chefs appartenant au Collège culinaire de France ont-ils signé un courrier le 20 avril demandant à l’Elysée de rouvrir les restaurants. Comme s’il s’agissait de la décision seule du président et non pas d’une pandémie planétaire. Les signataires demandent donc un « déconfinement partiel de la restauration citoyenne responsable. Ils craignent que : – Beaucoup d’entre nous risquent de ne pas être en mesure de se relever si la cessation de leur activité se poursuit », argumentent-ils.
« Pour redonner envie aux gens de venir dans les restaurants, il faudra arrêter l’esbrouffe et être dans le partage », Dominique Frérard
Dominique Frérard « en plein brouillard »
« Chez nous, rouvrir les restaurants le 11 mai est impossible, c’est une certitude, mais pour le reste, on est dans le brouillard, confie Dominique Frérard. On peut réduire la capacité d’une salle de 60 à 30 couverts mais les clients auront-ils envie de manger dans une ambiance de masques et de gants en plastique ? Auront-ils le coeur à venir fêter quelque chose chez nous ? », questionne le chef des Trois Forts, le restaurant du Sofitel. Partant de l’évidence qu’être ouvert coûte plus cher qu’être fermé, Frérard estime que si on réduit le nombre de couverts en salle, si on arrête les banquets et si on se limite au room-service, il faudra réduire le nombre de postes en cuisine : « Comment parvenir à l’équilibre dans de telles conditions ? ».
« Le métier a besoin de chaleur, il faut remuer les codes », Dimitri Droisneau
Depuis le 15 mars, les humeurs d’Olivier Luisetti, le propriétaire du restaurant Pastis & Olives à Marseille, jouent aux montagnes russes : « Depuis la fin du mois de février, je voyais la fréquentation baisser de semaine en semaine à tel point que le 14 mars au soir, passées l’incompréhension et la panique, j’ai été un peu soulagé. Les annonces du gouvernement annonçant la prise en charge du chômage partiel m’ont un peu rassuré« . Mais au fil des jours, la question du loyer, des décalages Urssaf a commencé à se poser, poussant Luisetti à contracter un prêt auprès de la BPI. « Rouvrir les restaurants c’est une chose mais si on n’a personne, ça va être pire encore, soupire-t-il. Est-ce que les gens auront envie de venir ? Mes salariés pensent que comme je suis patron, je me gave, ils me le disent parfois à demi-mot, c’est loin d’être le cas ».
Olivier Luisetti, « patron soutenu »
Jeudi 23 avril, le collectif #restoensemble regroupant les chefs d’entreprises des métiers de l’hôtellerie et de la restauration a décidé, lui aussi, de faire entendre sa voix « face au désastre qui s’abat sur leurs établissements ». Revenant sur le risque de fermeture définitive pour quelque « 30% d’entre nous », le collectif met dans la balance « des centaines de milliers d’emplois menacés face à une sourde oreille des assureurs concernant la reconnaissance de la perte d’exploitation, des banquiers sur la non-obtention du PGE pourtant annoncé à grand renfort de communication ». « Je dois être très honnête, confesse Olivier Luisetti. Dans mon cas, l’Etat prend en charge une très grosse partie de mes salariés et je suis très satisfait de mes rapports avec mon conseiller bancaire à la SMC qui est très réactif. Au vu de la période, je me sens un patron soutenu ». Rouvrir les restaurants
Frérard avance quelques pistes de réflexion : – Il faut commencer par relancer l’attractivité, nous devons changer nos offres parce que les mentalités ont changé et ça doit passer par une baisse des prix ». Un avis que Dimitri Droisneau, le chef de la Villa Madie, à Cassis, partageait dans le Grand Pastis voilà peu : « Il faut remettre les prix en concordance avec la prestation ». « Peut-être faudra-t-il arrêter d’impressionner et être dans le partage, pour redonner envie aux gens de venir dans les restaurants, l’heure n’est plus à l’esbrouffe » dit Frérard. « Le métier a besoin de chaleur, il faut remuer les codes, les clients doivent nous revoir comme des êtres humains », poursuit Dimitri Droisneau.
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