Il y a des rêves qui, lorsqu’ils prennent forme, en disent long sur le caractère, les ambitions et les envies de ceux qui les formulent. Marie, Eugénie et Laura rêvaient d’un restaurant à leur image, une adresse qui irait droit au but, recevant les copains et leurs copains. Le Caterine répond à cette jolie équation et renouvelle un peu les codes de la restauration en bousculant les codes du service. Le mode d’emploi est tout simple, il suffit de prendre ses couverts, sa serviette, son verre et sa carafe d’eau. Le temps de se plonger dans l’ardoise, on retourne au comptoir pour formuler sa commande. La fine équipe vous appelle quelques minutes plus tard, pour aller chercher vos assiettes et vous régaler.
Car c’est bien de régal qu’il s’agit. A la façon d’un pointilliste, Marie imagine un produit tête (la seiche) et l’accompagne d’une kyrielle d’ingrédients et condiments (trompettes des morts, betterave et sésame, coriandre tamarin et saké) qui témoignent d’un sens aigu des associations. Le tartare de poivron mariné et citron confit-harissa à la fraise et feta fumée témoigne de cette même vision.
Le terre-mer trouve chez Marie Dijon une belle expression (foie de volaille flambé et sablé salicorne-poutargue, carotte et oseille arrosé de jus de volaille) prouvant s’il en était encore besoin que la gastronomie est en train de tracer de nouveaux chemins, très loin de ce que l’on connaissait jusqu’ici.
La croquette de tête de cochon, croustille et fond, s’habillant d’une sauce blanche aux relents de moutarde. La recette est coquine, les ingrédients sont exigeants et la réalisation délicate, avec quelques feuilles de menthe qui confèrent légèreté à l’assiette. La lasagne ouverte à l’encre de seiche-ragoût de seiche est un petit bijou qui ravira amateurs de chaud (la lasagne) et de froid (les tomates cerise crues). Là encore, il y a de la mâche et du fondant, des saveurs à double détente à chaque fourchette. Olives taggiasche, cébettes, oignons… La composition foisonne, les goûts surprennent, il y a du caractère dans chaque proposition et on suit volontiers la chef dans ce qu’elle tient à nous raconter.
En Grèce, l’usage veut que l’on accompagne son portokalopita, un gâteau des familles sans farine, moelleux et à l’orange, d’un café. On ne dérogera pas à la tradition. Le gâteau de Marie est couvert d’une quenelle de mascarpone à la fleur d’oranger et de pulpe d’orange à l’huile d’olive. « Les herbes, c’est de la tagète qu’on fait pousser dans la cour » complète la jeune femme visiblement dans son élément, en accord avec ses associées, ses clients et son adresse.
Alors faut-il aller chez Caterine ? Mais oui car le rapport qualité-prix est excellent et parce qu’ici, seuls le plaisir et la détente comptent. Oui parce que tout ce qu’on y mange est très bon et cette gastronomie du quotidien diffère de la gastronomie d’autres adresses qui revêt un caractère par trop inaccessible et lointain. Oui parce que la volonté de servir une cuisine méditerranéenne est respectée ; tout se fait sans tapage, avec évidence mais détermination. C’est une manière très élégante d’imaginer le restaurant de demain.
Caterine, 27, rue Fontange, Marseille 6e arr. Infos au 04 91 67 72 85. Carte, 30 €.
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