Cette pizzeria di venezia campe au coeur même de Marseille, à quelques dizaines de mètres des quais du Vieux-Port. Elle est un vestige, un témoignage datant de ce début de XXe siècle à l’heure où les Italiens débarquaient sur les quais, en quête d’une vie meilleure et de nourriture pour leurs enfants. C’est aussi une énigme car elle brille par une singulière discrétion. D’aussi loin qu’on se souvienne, nul article de presse, nul guide, nulle personnalité ne la fait entrer dans le giron des meilleures pizzérias de la ville. C’est une injustice qui nous remet un peu en place : on croit tout savoir d’une ville, de ses adresses et soudain, une maison vous rappelle que, plus que toute autre, Marseille ne se révèle jamais complètement.
Cette authentique adresse n’a pas de comptoir, comme il se doit. Le four à bois fait face à la porte d’entrée et, devant, la pizzaiola travaille sa pâte, l’étale et la garnit avant d’enfourner. Il y a des tables aussi. Chacune d’elles raconte à sa façon une tranche de vie : un couple d’amoureux, deux retraités équipés de sonotones, des ouvriers venus du chantier voisin, des copines qui se racontent leur vie. Pas de cadre, pas de décor si ce n’est un mur crépi de blanc avec quelques vues vénitiennes en plâtre moulé, c’est kitsch, ça fait sourire et, quelque part, ça fait naître une émotion.
La carte aligne quelque 25 propositions de pizze, à la saucisse italienne ou au figatellu, à la royale et quelques curiosités, comme la bolognaise-parmesan ou la cinq légumes mais toujours à base de tomate fraîche. Le service est fantastiquement gentil, drôle, convivial. Ce sont deux dames qui conduisent l’affaire avec l’énergie et le savoir-faire de cinq hommes réunis. Les pâtes juste sorties du four ne sont pas trop fines mais élégantes, avec une bonne gestion du brûlé qui apporte une saveur carbonée compensée par la rondeur sucrée de la tomate. La figatellu-brousse et la royale sont irréprochables, généreusement garnies.
On l’a oublié mais la vraie pizzeria napolitaine doit proposer une salade verte et, mieux encore, bien aillée. Celle-ci est conforme aux attentes. Quelques suggestions de pâtes (al telephono, comme les suppli) méritent qu’on y revienne tout exprès tellement les pâtes napolitaine (anchois, olives et câpres) et à l’arrabiata sont aguicheuses…
Alors faut-il y aller ? Oui car c’est une adresse populaire authentiquement marseillaise, malheureusement en voie de disparition. La pizza de Marseille c’est un plat qui se savoure et se partage bien sûr mais c’est aussi une âme et une ambiance qui n’existent nulle part ailleurs. Et pour finir en douceur, on vous conseille également d’y aller pour le tiramisu aux amaretti (petits biscuits à l’amande amère) surprenant de légèreté et d’une très légère sucrosité. Allez-y enfin pour ces pizzas facturées 12 € ; dans une ville qui trouve normal de nous assassiner à coup de 18 €, ce genre d’adresse remet un peu les pendules à l’heure.
Pizzeria di Venezia, 12, rue Pythéas, Marseille 1er arr. ; infos au 06 42 44 74 19. Pizza et dessert, environ 18 €.
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