« Quand il pleut, il n’y a personne. Seule la soif fait venir les clients » annonce en souriant Yannis, derrière son comptoir. Il y a quelques mois, Yannis est venu reprendre le flambeau de la station uvale du cours Pierre-Puget placée, 37 années durant, sous la responsabilité d’Eugène et de Maryse, son oncle et sa tante. Dans les années 1970, on recensait 7 stations uvales à Marseille, au cours Saint-Louis (où Maryse a travaillé 10 ans), sur la Canebière, aux allées Léon-Gambetta, sur les places Jean-Jaurès et Castellane et, enfin, le cours Pierre-Puget, face au palais de Justice. « C’est la dernière de Marseille et probablement la dernière station uvale de France, regrette Yannis. En 2019, mon oncle a cherché à joindre le président de la fédération française des stations uvales et on lui a dit qu’il était le dernier… Et que la fédération ne fédérant plus personne n’avait aucune raison d’être ».
La santé en grains
Apparues au mitan des années 1930, d’abord à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, les stations uvales (du latin uva, raisin), étaient des lieux où l’on buvait du jus de raisin à qui on attribue 1000 vertus bien-être et santé. Outre la magnifique station de style Art-déco de Moissac, haut-lieu du chasselas AOP, un chapelet de stations uvales s’est implanté, essentiellement sur le pourtout méditerranéen, à Narbonne, Béziers, Avignon, Marseille et Cannes, dont aujourd’hui il ne reste plus rien.
Même le proc’…
Après les deux années d’incertitudes liées à la pandémie Covid, l’oncle et la tante de Yannis, respectivement 83 et 81 ans, ont décidé de passer le relai à leur neveu à qui la Ville a promis, à l’été 2021, le maintien de la dernière station uvale de France sur le cours, presqu’à l’angle de la rue Breteuil. « Par la force des choses, les stations uvales se sont ouvertes à d’autres fruits et aux milk-shakes en plus des jus de raisin foulés et pressés sur place », poursuit Yannis. Hétéroclite, la clientèle n’en reste pas moins composée d’historiques comme ce monsieur de 50 ans qui venait déjà, à 13 ans, boire son jus de raisin pressé par Maryse. « Et puis il y a tout ce qui gravite autour du palais de Justice, les convoqués, les avocats, les magistrats, le procureur, les accusés et… leurs amis » énumère Yannis.
Et comme toujours lorsqu’on travaille derrière un comptoir, il faut écouter, garder secrètes les confidences et offrir une oreille sinon compatissante, au moins neutre. « On bosse bien le lundi et dans la journée, ce sont le milieu de matinée et d’après-midi ainsi que les sorties de bureaux et d’écoles qui marquent l’affluence ». Et quel avenir pour la station uvale ? « Travailler pour la transmettre à César et Antoine ! » s’écrie Yannis. Logique.
27-29, cours Pierre-Puget, Marseille 6e.
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