L’enseignante d’une école hôtelière, en charge de la formation aux métiers de la salle, confiait il y a peu : – Beaucoup de mes élèves demandent à faire un stage chez Ekume ». Quel meilleur compliment pour Edgar et Alizée Bosquez à la direction de ce restaurant âgé d’à peine 9 mois ? Et quelle jolie façon de nous inciter à y réserver une table pour découvrir l’univers de ce chef natif du Panama, amoureux fou de la cuisine française, et certainement parmi les plus belles recrues de Marseille ces derniers temps.
A mi-chemin entre le restaurant et la table bistronomique de bonne tenue, on aime l’accueil détendu du chef de salle, habitué des grandes tables puisqu’ayant exercé chez Le Divellec et au Relais Plaza à Paris. Les habitués de Sépia ont forcément croisé ce regard amical qui a atterri rue Sainte et qui orchestre le service avec Sara, italienne de Milan, à l’accent délicieux, rieuse et volontiers pince-sans-rire.
La carte propose un incessant aller-retour terre-mer, Bosquez ayant fait de la Provence et de ses rivages un merveilleux terrain d’expérimentations. Chips de socca et tarama maison, thon rouge aux fines tranches maturées deux semaines-avocat, pistache et roquette huile de roucou illustrent ce talent pour les assaisonnements sur le fil. Le Panaméen, passé par les cuisines d’Alain Senderens, travaille les chairs de poisson (rouget juste raidi-artichauts barigoule et jus iodé) comme un musicien le rythme de ses partitions. De la mâche, de l’acide, de l’amer, de l’iodé, les assiettes défilent, réservant de très bonnes surprises.
Tout en fragilité, la tartelette au miel de Provence abrite des coquillages habillés d’une escabèche ; une souplesse de courgettes vient tempérer les ardeurs pimentées et les longueurs en bouche de cette escabèche gouailleuse, à l’accent marseillais affirmé.
Une fête qui n’aurait pas de fin ; le mérou cuit à la vapeur douce s’accompagne d’un ragoût de pois chiches au jus de roches et le filet de bœuf cuit à la braise est assaisonné d’oursins et de tamarin (pour l’acidité) que le chef accompagne de poireaux sauvages. Créatif et régalant, Bosquez cuisine comme un militaire : c’est carré. A la table d’à côté, une dame prend l’air faussement niais : – Va-t-il nous rester une place pour le dessert ? » Sara, ne manquant jamais d’a propos rétorque : – Le dessert ne va pas dans l’estomac, il va dans le cœur Madame ». Hommage au pays, le dessert justement, en appelle aux Manes d’une mousse au chocolat tiède, grand cru du Panama sur un grué de cacao, oseille et citron vert. C’est troublant de légèreté, fin d’exécution et la tuile accueillant le crémeux noir, rassure autant qu’elle culpabilise. Un Nirvana.
Alors faut-il aller chez Ekume ? Service, ambiance, carte… Edgar et Alizée Bosquez sont parvenus à la chose la plus difficile en restauration : l’équilibre et l’harmonie. L’équipe, dans son entier, témoigne comme rarement d’un sens de la mesure, du juste goût, de l’audace qui ne vire jamais au burlesque. Une adresse de haut-vol et un énorme regret pour le Grand Pastis : avoir attendu 9 mois pour s’y attabler.
Ekume, 139, rue Sainte, Marseille 7e arr. ; infos au 04 91 73 46 91. Déjeuner, formules 35, 55 et 75 €. Soir, 55 et 75 €. Menu bouillabaisse 89 € sur commande 48h avant.
Troisième visite, et toujours un grand moment ! Il existe dans ce restaurant une rare alchimie !! Merci à Edgar, son épouse et toute son équipe pour le bonheur qu’ils nous apportent !!!