Les années passent et on a beau se poser la question, les deux impétrants refusent de révéler leur secret : comment font Ivan et Mélanie pour toujours accueillir chez eux les futurs talents de la cuisine marseillaise ? Mijoba, Visse, Dugas, Fuego, Pulgarin Sanchez… Ils sont tous passés par la Vieille Chapelle et l’arrivée, au minuscule piano de ce bar de quartier, de Julien Guilbert participe de ce mouvement. Pour vous la jouer courte, Julien Guilbert, la jeune quarantaine, a roulé sa bosse de l’Hostellerie de Plaisance à Saint-Emilion à l’Amphitryon de Toulouse, des Saveurs de Py à Lyon à La Ciboulette d’Annecy. C’est un gars sympa, les pieds ancrés dans le Sud-Ouest, féru de vins nature qui revendique une « cuisine bistronomique voire gastronomique ».
Références gastronomiques grecques
Le Bar des Amis lui ouvre donc ses tables chaque lundi et mardi pour quelques semaines mais il est fort à parier que Julien y passera l’été. Cuisiner sur 8 m2 dans un bar est un exercice impitoyable pour les chefs qui « sont portés par l’inspiration » et qui ont « besoin de réfléchir parce que moi, vous comprenez, je suis un artiste ». Ce lundi soir, c’est Mélanie qui trimballe l’ardoise de table en table. Ivan endosse le tablier de sommelier : – Je vais te faire découvrir le blanc que j’ai fait en collaboration avec un vigneron grec », lance-t-il, l’œil rieur, le sourire gourmand. Une bouteille à l’étiquette bleu-mer au nom du domaine Tetramythos accoste sur table. Le domaine de Panagiotis Papagiannopoulos, Aristos et son frère Stathis Spanos est situé sur les coteaux d’Aigialeia sur les hauteurs du Péloponnèse. Elaboré à partir de cépages autochtones, ce blanc minéral mêle suavité et grande fraîcheur. On se surprend à y déceler des arômes d’herbes sèches comme brûlées par le soleil grec. Une association parfaite qui s’annonce avec les assiettes qui arrivent.
Julien Guilbert, une personnalité à découvrir
Julien Guilbert, sait émouvoir et place haut la barre avec un crémeux feta sur concombre cru-taboulé et petits-pois-menthe et citron confit relevé d’un confit d’herbes et poutargue. Jolie vision d’une cuisine qui tisserait des liens entre Athènes et Marseille, c’est frais, tonique et raffiné. Suit un tataki de bonite que le chef a fumée au romarin ; pour plus de sophistication, un crumble parmesan asseoit l’assiette parsemée de pois chiches. Julien a imaginé un gel d’encre de seiche pour corser l’ensemble doublé de graines de moutarde et pickles-radis crus toujours pour accentuer le caratère végétal de la composition. L’assiette de poulet panko, culmine au sommet des météores. Chairs souples, légumes croquants et yaourt grec, aïoli au piment fumé-basilic et oignons signent une partition délicate.
Alors faut-il aller au BDA pour découvrir le travail de Julien Guilbert ? Oui parce que c’est élaboré, structuré et très, très végétal. Oui pour la qualité des produits et la joliesse des assiettes. Oui pour l’ambiance, pour découvrir le vin blanc grec d’Ivan, dont l’étiquette honore la sculpture de la Baigneuse à la Tortue de Marcel Courbier qui trône juste en face. Oui enfin parce qu’il y a du savoir-faire, de la technique et un certain courage dans les partis-pris. Et l’époque manque tellement de courage…
Le Bar des Amis, 23, ave de la Pointe Rouge ; Marseille 8e arr. Infos au 04 91 96 17 62. Julien Guilbert tous les lundis et mardis soir, 40 €.
Ajoute un commentaire