Vingt-quatre années durant, Didier Tani et Éric Parra auront été l’incarnation de l’âme des Goudes. C’est dans un post publié jeudi 19 octobre au soir, sur Instagram, que ces 2 figures du quartier ont annoncé leur départ, pour ne pas dire la vente, du grand bar des Goudes ; et c’est avec une « entière confiance » qu’ils cèdent « le flambeau au chef Benjamin Mathieu* et à son associé Johan Lupo (…) La nouvelle équipe est prête à vous accueillir dès le 3 novembre 2023 » déclare Didier Tani, achevant cet au-revoir par un : – Réservations par téléphone au 04 91 73 43 69″.
Le départ de Didier Tani, 53 ans, marque la fin d’une saga qui avait débuté en 1830 avec l’installation de cette famille dans le petit port de pêche. Le grand-père, le père, Didier puis le fils de ce dernier étaient nés aux Goudes, rappelait souvent Didier qui avouait « vivre ici en immersion totale puisque j’y suis né, j’y vis et j’y travaille » (magazine Big, 2021).
« L’esplaï, c’est de l’argot de pêcheur, ça veut dire ‘le bon endroit pour aller pêcher’, c’est ce qu’on dit quand on a un bon coin qu’on ne veut pas donner. Eh bien ici, c’est le bon endroit pour aller manger »
Didier Tani
Depuis son esplaï, de l’autre côté de la rue, Didier regardait souvent un palangrier rentrer au port et se rappelait cette époque où il y avait beaucoup de pêcheurs à la palangre aux Goudes, « les pêcheurs sont mes amis » disait-il. Du village modeste de pêcheurs et d’ouvriers qui avait 50 ans de retard sur le centre-ville, il ne reste plus rien, les cabanons se vendent au profit de gens venus de loin qui en font des villas. Didier disait toujours « quand on achète ici, on achète un état d’esprit, on achète une vie de village ». « Aujourd’hui, les gens se croisent et ne se disent même plus bonjour » déplore une habitante de la calanque depuis toujours…
Au fil des interviewes, Didier Tani rendait hommage à son papa, le cantonnier des Goudes, « aimé et respecté de tous parce qu’il était un homme bon » et racontait qu’il lui avait donné ses économies pour que Didier achète ce commerce. « Mon père venait à 5h tous les matins ouvrir pour ses collègues pêcheurs ; il ne savait faire que des cafés et des menthe à l’eau, rien d’autre et ça, jusqu’à 10 heures. Il a travaillé avec moi jusqu’au dernier jour. Ce qui me plaît, c’est cette continuité… On a fait notre vie aux Goudes », déclarait Didier Tani en 2018.
Le Grand bar des Goudes, 28, rue Désiré Pelaprat, Marseille 8e arr. ; infos au 04 91 73 43 69.
* Par ailleurs aux commandes de la Grotte et du Petit-Pernod.
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