Le Grand bar des Goudes vendu ! Didier Tani a annoncé son départ sur son compte Instagram le 19 octobre, et dans le Grand Pastis, le lendemain. L’annonce a suscité une émotion immense au point que le restaurateur a bien voulu donner les raisons de son départ et laisser deviner ce que pourrait être son avenir. En exclu, il se livre avec sincérité et insiste sur les liens heureux qu’il avait noués avec sa clientèle.
Le Grand Pastis : Vous avez 54 ans seulement et le restaurant est en pleine gloire, alors, pourquoi partir ?
Didier Tani : Vous avez raison, le restaurant se porte bien mais j’ai 54 ans ; j’ai commencé à travailler à 11 ans, c’était mon petit boulot d’été. En 1999, lorsque j’avais 29 ans, avec Éric, on a racheté cet établissement et les années sont là. Depuis 2007, j’ai une hygiène de vie très stricte et je fais attention à ne plus trop me surmener ; on nous avait déjà fait une offre l’an dernier qui ne s’est pas concrétisée. L’été qui s’achève m’a épuisé ; en fin de service, je n’avais plus la force d’aller aux boules ou à la mer et je rentrais à la maison, lessivé. Benjamin Mathieu et ses trois autres associés sont venus me voir en janvier : ils ont mesuré le potentiel de l’adresse et les choses se sont faites. J’ai toujours voulu profiter de la vie et ne pas la perdre à la gagner ; même cet été, sachant que je passais le flambeau, j’étais encore épuisé.
« Je me suis épanoui pendant 24 ans, j’ai fait des rencontres merveilleuses, ce restaurant m’a ouvert des portes et je suis très reconnaissant au métier »
Le G.P. : Que va-t-il advenir de l’équipe ?
D.T. : Le chef Christophe Thuillier, le serveur Enzo, Sandra, ma responsable de salle, sont tous là depuis plus de 10 ans et s’ils sont tous restés c’est que finalement je n’étais pas un si mauvais patron et qu’ils se sentaient bien ici ! Tous ont eu le choix de rester ou de partir mais ils ont préféré jouer la rupture conventionnelle ; moi j’ai toujours eu un management patriarcal et ils aimaient ça. Le matin quand on prenait le café, ils me racontaient leur vie et j’écoutais… Il y aura 8 départs intéressants pour eux, des décisions prises librement mais néanmoins quelques-uns resteront.
Le G.P. : On sait votre attachement à cette affaire familiale, n’est-ce pas trop dur de vous en séparer ?
D.T. : J’habiterai toujours aux Goudes, je garde ma maison et je n’en pars pas. Tous les jours, je passerai au bar pour y boire le café avant de prendre le bateau avec mes amis. Les 4 associés qui rachètent le Grand Bar des Goudes ne seront pas mes repreneurs mais mes voisins. Ma femme et ma fille travaillent dans l’esthétique et mon fils, lui, évolue dans le maritime. Lorsqu’il était étudiant, il venait m’aider au restaurant mais il n’avait pas la fibre et je ne pouvais pas le forcer. Vous savez, il y a deux catégories de restaurateurs : les investisseurs et ceux qui ont le sens du métier. Benjamin et ses 3 autres associés ont le sens du métier, ils ont la passion, ils en connaissent les ficelles, je m’entends bien avec eux pour ça. Ils ont compris l’âme de ce commerce.
« Ici, j’ai rassuré les gens en leur servant une cuisine que tout le monde croyait qu’elle n’existait plus »
Le G.P. : le Grand bar des Goudes vendu, demain, qu’allez-vous faire ?
D.T. : Je vais, avant toute chose, me remettre en forme. J’ai vendu l’affaire au prix qu’elle vaut et ma grande ambition c’est d’aller acheter mon pain le matin en vélo. Je vais me remettre à la boxe, je vais faire du padel chez Régis à Luminy et enfin prendre le temps. Je veux me réveiller la tête claire parce que, ce qui m’a le plus fatigué, c’étaient les à-côtés du restaurant. Au-delà des 6 prochains mois, j’ai un projet qui reste secret. Tout ce que je peux dire c’est que je n’invente rien, le concept existe déjà mais je le ferai à mon idée ; c’est un projet que j’installerai dans le 8e ou le 9e arrondissement, j’y ai mûrement réfléchi depuis 7 ans et j’y crois à 100%. Je resterai dans le monde culinaire et j’ai tout pensé pour que les choses se déroulent bien. Christophe et Sandra sont dans la confidence, ils seront avec moi et ils sont motivés. C’est un projet qui nous permettra de gagner notre vie tout simplement.
« Je serai éternellement reconnaissant à mes clients, j’ai eu une relation fabuleuse avec eux et je leur renouvelle mes remerciements »
Le G.P. : Les Goudes d’hier et celles d’aujourd’hui ont-elles beaucoup changé ?
D.T. : J’ai grandi dans un village populaire au sens noble où il y avait une familiarité sincère entre les habitants ; on vivait entre gens simples dans un cadre de milliardaires. Aujourd’hui encore, quand j’ai besoin de 4 œufs, je vais sonner chez les voisins, je joue aux boules avec Raymond, qui a 84 ans, et on se raconte des anecdotes sur le passé. Et j’ai peur que d’ici 3 ans tout ça ait disparu. Les gens qui s’installent aujourd’hui ont de gros moyens et le village, malgré tout, est encore sécure. J’ai un pied dans le passé et un pied dans le futur et je vois bien que chez les jeunes aussi les choses ont beaucoup changé : la notion de travail et de vie en communauté ne sont plus les mêmes. Les jeunes ont oublié que vivre aux Goudes est un privilège mais rien n’est gagné dans la vie ! Il faut travailler pour mériter et, comme disait mon père : – Si tu n’as pas de diplôme, il faut travailler le double des autres’. Moi, j’ai travaillé 4 fois plus que les autres.
Le Grand bar des Goudes vendu, photo DR
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