« Pas de nitrites ! Chez nous, tout est fait au gros sel et à la fleur de sel pour le jambon persillé ». Dans les vitrines de Carnage, Aurégan désigne les pâtés en croûte, la saucisse au mètre, le feuilleté « basse-cour » à manger chaud (lapin-pintade-poulet noisette et moutarde) et l’andouille de Guéméné. « Il n’y a que ça que je fais venir de Bretagne car c’est une appellation protégée… Et ce sont tous les souvenirs de mes goûters d’enfance ». Pour les fêtes qui approchent, la jeune cuisinière, figure du quartier Chave, travaillera également le pigeon et garantit le 100% fait maison pour toutes les pâtes, qu’elles soient feuilletées ou brisées.
Du porc, des volailles, pour répondre aux besoin de Carnage et du Bouillon Chave voisin, Aurégan assure travailler de 12 à 15 heures par jour. « Tout est question de logistique, il faut 48 heures pour réaliser un pâté en croûte , 72 heures pour un jambon cuit, donc on organise des rotations et il faut anticiper en permanence ».
« Le vrai combat, c’est contre l’industrie qu’il faut le mener »
Aurégan Déan
Aurégan et son associé Mathieu Zurcher, incarnent un retour aux valeurs sûres. « Je suis ravie, car nos clients s’inquiètent des provenances et des recettes de nos charcuteries. J’ai sympathisé avec un paysan aveyronnais lors d’un salon viticole et il nous a invités à venir visiter sa ferme de Mayrinhac, à côté de Rodez. Il ne cache rien et traite très bien ces bêtes, c’est ça qu’on veut… Faire de la viande, comme nous nous le faisons, c’est du militantisme pour la nature, pour les bons produits et pour les animaux qui sont élevés dans de bonnes conditions. Nous devons revenir à l’artisanal mais je reconnais que ce n’est pas accessible à tout le monde ».
« Je préfère arrêter de manger de la viande plutôt que manger une viande de bêtes qui ont souffert »
Carnage c’est une charcuterie et cave à vins en journée, un hot spot pour l’apéro en soirée avec de quoi grignoter et quelques huîtres pour les fines bouches… « A l’origine, c’était un écailler qui devait ouvrir mais ça ne s’est pas fait. Comme les gens du quartier étaient un peu déçus, on a décidé de proposer des huîtres aussi » raconte la jeune femme. Carnage a tout misé sur l’agriculture et l’artisanat, la proximité et les petites productions « mais c’est compliqué car nous avons face à des mastodontes de l’agroalimentaire qui sous-paient les gens en diffusant des produits de piètre qualité ».
Pour réhydrater les gosiers asséchés, Mathieu a réuni de 80 à 100 références de vins, des flacons aux étiquettes bariolées joliment alignés sur des étagères. Une sélection de quilles dites nature, des vins issus « de la terre qu’on laisse vivre », des vins bio, biodyn’… La chasse gardée de Mathieu qui a trouvé là un merveilleux terrain d’expression. « A l’avenir, on aimerait faciliter les rencontres entre les clients, on aimerait inviter des vignerons, des paysans, des éleveurs afin que tout le monde se parle » confie le duo. « Nous ne sommes pas une adresse bobo et nous ne fermons la porte à aucune clientèle, prévient Aurégan. Notre vie n’a rien d’un sacrifice, c’est une vie de passion. Tous les matins, je m’efforce de bien rémunérer nos employés et je sais que nos agriculteurs vivent de leur travail… »
« Tu es ce que tu manges » dit le proverbe.
Carnage, 65, boulevard Chave, Marseille 5e arr. ; infos au 04 91 37 91 88.
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