Resto pour les uns, bistrot pour les autres, la table de Victor Sauzay est inclassable. A défaut d’un bassin, son Plongeon est doté d’une magnifique terrasse, ensoleillée et adossée au Panier. En une année à peine, ce repaire de bon goût est devenu une vitrine du Marseille qui sait manger ; les Marseillais qui sortent savent qu’ici on ne rigole pas et les touristes, séduits d’abord par le cadre, le sont ensuite par la qualité des assiettes. Démonstration au déjeuner, en ce jour un tantinet mistraleux.
A l’ardoise, un sac et ressac, un aller-retour permanent entre terre et mer. Rillettes de thon blanc-salade fenouil sésame, terrine de cochon-crèmes d’oignons confits et salade d’oignons, « notre chef est boucher-charcutier de métier », précise le serveur. C’est joli de parler de « métier » quand d’autres parlent de « travail ». Ça en dit long sur la mentalité de l’équipe. Côté plats, la pêche du jour, « un thon blanc de ligne », ajoute encore notre hôte, s’accompagne de pois gourmands-pommes grenaille émulsion ail des ours. Tout est simple, pensé, calculé pour offrir le meilleur compromis créativité-qualité-prix.
A midi pile la salle est vide ; trente minutes plus tard, c’est full de chez full. La petite assiette de ricotta-petits pois et zestes d’orange confite revendique sa fraîcheur comme une prairie couverte de rosée. Le vert sucré du petit pois cru s’acoquine avec les écorces blanches d’agrume confit, le chef travaille par petites touches, l’assiette se perle d’huile d’olive fruité vert… Comme si Perséphone revenait des Enfers. Plus virile, l’échine de porc fermier a été cuite à la perfection ; à la paysanne, un risotto d’épeautre s’égaie de carottes taillées en brunoise, comme si, là encore, la cuisine voulait ajouter une tonalité sucrée. Le travail est délicat, on a l’impression de se faire draguer sans pudeur.
Mais que serait cette cuisine sans relais efficace en salle ? Le duo qui va et vient est super, veillant à ce que personne ne manque de rien. Vins nature, blancs ou rouges, chacun y va de son choix et goûte en commentant. Les uns associeront le 100% grenache du château des Amoureuses (IGP ardèche) avec l’échine de porc pour sa générosité, son poivré et sa bouche croquante. D’autres boiront à la simplicité avec le J’suis blanc comme un cul (Chastel Samson, blanc, 2022)… Quand le vin fait sourire et crée du lien.
Alors faut-il plonger au Plongeon ? En un an, beaucoup se sont déjà fait une religion. Bien évidemment, vous viendrez ici pour la qualité de l’accueil, le soin et le respect porté à chaque table. Vous réserverez pour la justesse de vues du chef Sauzay qui imagine et compose des assiettes avec intelligence : c’est créatif, frais, constamment renouvelé. Tout ce qu’on aime. En revanche, la crème brûlée au thé earl grey, plate et sans surprise, n’est pas à la hauteur du reste du repas, triple bof. Mais oubliez cette réserve et plongez au Plongeon pour tutoyer les sommets.
Le Plongeon, 1, rue Méry, Marseille 2e arr. ; infos au 04 91 91 77 37. Déjeuner 25 et 29 €. Soir, 39 et 45 €.
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