Tout Marseille est allé ou ira manger chez Lacaille. La liste de réservations de ce restaurant du quartier de la Plaine, s’allonge de jour en jour et l’imbattable menu entrée-plat-dessert à 30 € donne des sueurs froides à nombre de confrères aux tarifs prohibitifs. Contre toute attente, si cet engouement lui fait plaisir, il n’enthousiasme pas outre mesure Alexis Kloniecki. A 33 ans, ce marseillais garde la tête froide et avoue sans ambages : « Pour moi, la cuisine n’est pas une passion, c’est un métier ». Dans un univers plus habitué à l’emphase, le caractère de Kloniecki tranche par sa sobriété voire son extrême discrétion. « J’ai fait l’école hôtelière de Dardilly en région lyonnaise, mes parents n’avaient pas les moyens de me payer Ferrandi ou Vatel, explique-t-il. Je n’ai pas fait non plus de maisons renommées, j’ai surtout fait des stages gratuits à dormir sur des parkings ». Titulaire d’un bac techno, Alexis Kloniecki n’a pas emprunté les voies classiques de tout jeune débutant dans le métier : « J’ai toujours voulu faire de la cuisine, je me considère comme un artisan. La restauration c’est comme la couture, il y a des consommateurs qui suivent les modes mais des créateurs, y’en n’a pas beaucoup ».
« Le resto où on aimerait aller »
Comment le chef de Lacaille, papa de Louise et Augustine, explique-t-il le succès de son restaurant ? « Je suis un gars qui a décidé de faire des choses simples, je travaille avec ma femme, Antonia, mon frère, Alan, et Steeve. On fait le resto où on aimerait aller ; chez nous, il n’y a pas de concept. Il y a des tables, des chaises et des couverts ; tout est neutre, l’important c’est que les gens passent un bon moment ». Sans autre ambition que de faire vivre un restaurant de quartier, le binôme Alexis-Antonia revendique le total fait-maison : « Chez moi, il n’y a pas de friteuse et on fait tout nous-mêmes, jusqu’aux glaces, sauf le pain ». Une exigence qui impose de rester fermé à midi « parce qu’on ne peut pas faire plus qu’on ne fait aujourd’hui », lâche Antonia qui résume : « 6 soirs par semaine et c’est tout ».
« Au lieu de décortiquer les assiettes, plante ta fourchette et mange ! »
Parfois le cuisinier se risque à demander aux clients leurs impressions, « pour voir si j’ai fait la bonne assiette, la cuisine c’est vivant et on peut se tromper » dit-il. Volontiers atypique, Alexis Kloniecki l’assure : « Je ne suis pas un « anti », en fait je m’en fous. Je n’ai pas de posture, la réalité c’est que ça ne m’intéresse pas ». Confessant avoir lu des « tonnes de livres, l’Escoffier, le Reboul, La cuisine des pays nordiques de Nilsson Magnus », les livres de Ducasse et Bras, des magazines, Yam, Thuriès… Kloniecki confesse n’avoir pas de modèle… « J’aime trop la cuisine bistrotière » lâche-t-il, songeur. Ses amis, il va les chercher chez les profs de math, les agents immobilier, dans l’informatique. « La gastronomie, c’est de la méthode, de l’application. Un trois étoiles, c’est chaud, c’est beau et admirable… Quand on oriente sa carrière vers les étoiles, on ne fait plus le même métier ».
Demain ? « Aucune idée de ce qui nous guidera, ce seront certainement les enfants ».
Marseille ? « J’y suis revenu par nostalgie mais j’avais oublié combien cette ville est intense ; on vit, on travaille dans ce quartier… Finalement, on n’en profite pas beaucoup de cette ville ».
Campagne ? « Je ne suis pas fait pour la campagne mais il faut reconnaître qu’à la campagne on voit passer les saisons »…
42, rue des Trois Mages, 6e arr. ; résas au 09 86 33 20 33. Menu carte : 30 € ; uniquement le soir, sauf le lundi.