Passation de pouvoirs aux Distilleries et Domaines de Provence où Alain Robert confie les rênes de l’entreprise à son fils, Antoine. Fleuron de la gastronomie de la montagne de Lure, réputée pour son pastis Henri Bardouin, ses liqueurs et autres spiritueux (Rinquinquin notamment), l’entreprise restera à Forcalquier, l’ancrage local et l’héritage historique sont préservés.
Le Grand Pastis : Combien d’années avez-vous passées à la direction des distilleries et domaines de Provence ?
Alain Robert : Depuis 1980 cela fait 44 ans. J’étais copain avec Jacques, le fils d’Henri Bardouin, depuis 1974. Quand son père, Henri, a voulu tout arrêter, Jacques et moi avons décidé de reprendre l’affaire. En 1980, quand Jacques a voulu se consacrer à d’autres activités, j’ai repris le poste de gérant de ce qui s’appelait alors la Distillerie de Lure. En 1987, tout a été vendu à Pernod-Ricard et, 3 ans plus tard, en 1990, j’ai quitté le groupe Pernod-Ricard pour me consacrer pleinement aux Distilleries et Domaines de Provence.
Le G.P. : Quel était l’état de l’entreprise à votre arrivée et comment se porte-t-elle aujourd’hui ?
A.R. : En 1990, nous étions à peu près 17, nous sommes 47-48 aujourd’hui. Aux premières heures, nous faisions un petit chiffre d’affaires, avec moins de 10 millions de Francs par an. Aujourd’hui, nous réalisons un peu plus de 10 millions d’euros par an ; nous sommes une entreprise familiale et on a toujours voulu que les gens s’y sentent bien. J’assume le terme de gestion patriarcale, dans le sens d’une relation de confiance entre tous les salariés, chacun se sentant partie prenante de l’entreprise. La plupart de nos collaborateurs sont très impliqués dans la vie des Distilleries et Domaines de Provence.
Le G.P. : Combien avez-vous de références et le pastis Henri Bardouin reste-t-il toujours la star de la maison ?
A.R. : Nous n’avons guère plus de références qu’au tout début… Entre 14 et 15 recettes, je crois mais je n’ai jamais voulu avoir un catalogue pléthorique ! Et à chaque nouveau produit, nous en avons viré un. Le pastis Henri Bardouin, c’est une star en France qui réalise 75% du chiffre d’affaires de l’entreprise ; on le boit essentiellement dans tous les pays où l’on parle français, soit la Belgique, le Québec mais également en Espagne, en Grande-Bretagne, aux USA et en Allemagne. En Asie, où on lui préfère l’absinthe, le pastis n’est consommé que par les francophones ; à l’étranger, beaucoup d’expats boivent du pastis…
« Notre stratégie a toujours été d’avoir une société provençale dont le siège reste en Provence, à Forcalquier »
Le G.P. : Qui va vous succéder à la tête des Distilleries et Domaines de Provence ?
A.R. : C’est mon fils Antoine, il travaille avec nous depuis 2020 et il aura 35 ans le 29 août. Moi, j’étais bien décidé à m’arrêter à 75 ans ; j’ai 3 enfants : un qui vit à New York, une fille qui travaille chez Orange à Paris et Antoine. Il a fait ses classes chez Reckitt Benckiser, où il a été chef de zone, il a travaillé également chez Class Car où il gérait l’export. Depuis 4 ans, il s’occupe de l’export en gardant en tête que notre entreprise restera sur ses 2 pieds : 50% de son activité en France et 50% à l’export. Je resterai avec lui quelques mois pour transmettre, faire passer tout ce que je sais et qui n’est pas formalisé.
Le G.P. : Pour vous, demain, ce sera quoi ?
A.R. : Je n’en sais rien. Je verrai bien. Pour l’instant, il faut réussir la passation ; ça va durer à minima un an mais je n’ai pas peur de transmettre. J’ai 75 ans passés et je m’occuperai plus de moi et de ma santé. Quand on est P.d.-g., on se consacre à sa mission et on a un peu tendance à s’oublier. Maintenant, le soir, quand je rentre à la maison, je suis beaucoup plus fatigué que je ne l’étais avant.
Le G.P. : Quelles seront les nouvelles ambitions de l’entreprise ?
A.R. : Il appartient à ceux qui me succèdent de s’adapter et de créer des produits qui se vendent. Il faudra aussi cultiver la relation avec les clients, c’est important car nous n’en avons pas perdu jusqu’ici. J’ai conscience d’avoir incarné l’entreprise mais je n’accompagne jamais mon fils lorsqu’il va voir les clients, je le laisse faire, il gère tout seul. Mon but, notre stratégie, a toujours été d’avoir une société provençale dont le siège reste en Provence, à Forcalquier. Une entreprise héritière de la tradition séculaire du travail des simples (1)… Je le dis et le répète, je leur souhaite de développer une société provençale basée à Forcalquier, une société pérenne avec des références qui devront rester provençales.
(1) « Les simples » est le nom générique donné dès le Moyen-Âge aux plantes médicinales parmi lesquelles l’absinthe (Artemisia absinthium, fébrifuge, vermifuge, tonique, douleurs utérines), l’armoise blanche (Artemisia alba, digestive), l’aurone (Artemisia abrotnaum, digestive) ou la balsamite (Tanacetum balsamita).
Ajoute un commentaire