
Elle avait promis une ouverture pour la fin du mois d’avril et voilà qu’Auffo accueille ses premiers clients à la date annoncée. Les travaux et les longs mois d’hiver semblent loin ; une nouvelle histoire se raconte pour ce restaurant, considéré comme l’un des mieux exposés de Marseille, arrimé à la roche, avec, dans le rôle du capitaine, une Coline Faulquier sur qui pointent tous les regards. La salle remaniée joue le contraste parquet-moquette ; les éclairages à la nuit tombée, évoquent un sunset rêvé et l’habillage des fauteuils se confond avec les roches tombées de la jetée tout en face.


La carte glorifie les saisons et a choisi des produits à l’accent chantant à l’instar des fines ravioles de crabe safran-estragon-béarnaise ancienne ou de ce retour de pêche du Vallon grillé-arrosé d’huile de géranium-courgettes et condiments brûlés aux moules et fleur de courgette. Coline n’échappe pas au terre-mer, et confie au ris de veau cuit au beurre d’algues-petit violet provençal et citron bergamote, la seule incursion carnée des agapes. Julien, qui a fait le long voyage de la rue du Rouet (ex-restaurant Signature) pour les rivages du 7e, évolue en salle très à son aise, Aurélie parle, sourit, joue de son humour pince-sans rire avec charme. De la cuisine à la salle, les équipes prennent leurs marques, la machine se rode et se met en marche.


Réminiscences d’enfance, hommage à son papa, les mises en bouche illustrent la rigueur technique que la chef s’impose et impose à sa brigade. Entre effluves de sarriette et nuages amers, la touche se veut féminine, presqu’évanescente. Les crevettes roses de Méditerranée se présentent en deux assiettes : crues et cuites. Du poivre timut pour le caractère, de la betterave pour la couleur, des amandes pour la mâche, on adore le fumet de têtes corsé, incarnation du caractère bien trempé de la maîtresse de maison. Un rouget laqué au jus rouge-textures de poivron sauce à la criste marine marseillaise (en pesto et iceberg), vient taper du poing sur la table. Le piment, la virgule de harrissa nous renvoie sur les rives du Maghreb, la Méditerranée dans tous ses états. Le banon en crème brûlée et brioche feuilletée a demandé beaucoup de travail mais ne convainc pas : on l’aurait préféré associé à un simple pain de campagne. Une sauce chocolat fumée au thym, quelques quenelles de chocolat en déclinaison lovées dans de très délicates coques ultra fines et fondantes, comme une queue de comète, le dessert sonne la fin du dîner. Des oreillettes ultra croustillantes garnies à la crème fleur d’oranger, des guimauves superbes de légèreté parfums de lavande et voici le printemps raconté.

Auffo vit ses premières heures. Coline Faulquier n’a rien perdu, ni de son exigence, ni de sa rigueur technique. Pour preuve de son enracinement, elle a voulu que ses fournisseurs (maraîchers, pêcheurs, éleveurs) soient mentionnés jusqu’à la si secrète famille Frédière et ses cafés Lacamp. Un élégant dîner qui, au fil des jours, des semaines et des mois, va gagner en intensité, vibrer en émotion. On sait la cuisinière capable du meilleur, il point à l’horizon comme ce soleil qui, tous les soirs, embrase les baies vitrées d’Auffo.
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