S’il fallait résumer, on dirait de Belle de Mars qu’il est un restaurant à la façade discrète qui a accueilli ses premiers clients, le 12 octobre dernier. Pour la jouer courte, on vous expliquerait que cette exceptionnelle nouvelle adresse incarne les volontés d’indépendance de Michel Marini, 34 ans, et de sa conjointe, Kim-Mai Bui. Michel n’est pas né de la dernière pluie, à 34 ans, il a déjà travaillé à Paris aux côtés de William Ledeuil (the Kitchen Galerie) et Christophe Moret (Lasserre), dans le Luberon au domaine de Fontenille, à Marseille chez George (bd Chave), puis aux Bords de Mer. Kim-Mai, elle, a goûté les 3 étoiles chez Gérald Passédat pendant deux ans avant de rejoindre les copains Eric Maillet (chez Albertine) et Matthieu Roche (Ouréa). Question CV, il y a de la référence…
Dans une ville prête à se pâmer devant toutes les élucubrations culinaires, le Belle de Mars figure parmi les 2 ou 3 grands nouveaux talents de l’année. La salle, à l’image du caractère des deux cuisiniers, nous la joue sobre. Cuisine ouverte : rien n’est caché aux clients qui assistent à un ballet harmonieux durant tout le service. Précision des gestes, saveurs affirmées et assumées, il y a des partis-pris qui forcent le respect.
Jeu de saveurs, le flan de soupe de poisson espuma de bouillabaisse-fenouil sauvage tout comme la raviole frite blette et tomme de brebis, surprennent par leur étonnante délicatesse et leur force de caractère. Ce soir, les radis marinés-poutargue et citronnelle enchaînent l’acide, le vinaigré et l’aigre-doux en une étonnante complexité aromatique, longueur âcre et poivrée en bouche. Comme une promenade dans les sous-bois, le cèpe s’accompagne de courge en tagliatelle et petits cubes confits, moutarde et éclats de noisette. Si l’automne était circonscrit en une assiette, ce serait celle-ci.
Belle de Mars et sacré caractère !
Le chef et sa compagne ont du caractère, témoin : cette sériole de Méditerranée coiffée d’une feuille de brocoli nappée de sauce crémée crevette grise et virgule de confiture d’algues. On baisse les armes devant tant de personnalité. Pour hydrater les esprits et nous ramener les pieds sur terre, le domaine des Béates (les Béatines, 2022 en coteaux d’Aix), frais et fruité sans excès, se fera le compagnon évident du poisson.
La poire est un fruit au potentiel de séduction proche de l’électro-encéphalogramme plat mais pochée à la méthode Belle de Mars, il faudra revoir ses apriori. Sur une ganache montée qu’on rêverait sans fin, croustillante de meringue citronnée, on confesse ses torts et on se prosterne devant tant de finesse. Dans un quartier abandonné aux burgers multicolores, Kim-Mai et Michel ont décidé de tracer une autre voie et de faire entendre leur voix. Une table au sommet de l’intelligence portée par deux amoureux qui ont de la personnalité et assument leurs goût. On aime le caractère simple de l’adresse qui contraste avec le raffinement des assiettes, la réflexion et l’audace. La plus belle surprise de la rentrée.
Belle de Mars, 56, rue de Forbin, Marseille 2e arr. ; infos au 09 86 57 24 58. Menu déjeuner 27 et 36 € ; dîner 49 €.
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