A l’heure où les hôtels et restaurants traversent une tempête financière et une crise de confiance historique, beaucoup s’interrogent : peut-on sauver le secteur, renouveler les habitudes et conserver la clientèle ? Patron propriétaire du Belleville-sur-Mer, un bistrot contigu au palais Longchamp, Brice Berigaud partage son expérience. Et si l’avenir des restos passait par les recettes des bistrots ?
Le Grand Pastis : Le Belleville-sur-Mer qu’est-ce que c’est ?
Brice Berigaud : C’est un bistrot tout simplement, un endroit pour petit-déjeuner, déjeuner entre copains ou avec une relation de travail, un dîner. Chez nous, on parle, on bosse, on rêve et on rit. On s’apparente au Longchamp palace ou la Relève dans ce sens où nous entretenons le lien avec les gens du quartier. La carte change tous les jours et propose invariablement une viande, un poisson et un plat végétarien. Nous évoluons dans le registre français, asiatique et parfois d’amérique du Sud. On cherche nos recettes dans des livres, on essaie d’avoir toujours des idées et on ne jette rien. S’il nous reste de la poitrine de porc du midi, eh bien on la retravaille pour en faire des rillettes en tapas le soir !
« A Marseille, on pense qu’il ne faut pas ouvrir certains jours car il n’y a personne. Moi, je pense que s’il n’y a personne, c’est justement parce qu’il n’y a rien d’ouvert »
Brice Bérigaud
Comment pensez-vous lutter efficacement contre les incertitudes de la période ?
Quand j’ai ouvert, j’ai écouté beaucoup de conseils et j’ai fait l’inverse. Nous sommes ouverts 7/7 jours, le dimanche et le lundi sont de grosses journées parce que, justement, tout le monde est fermé. Je bosse avec, et autant, que mon équipe de 10 employés, je ne suis pas un patron du CAC40. Je pense également qu’il faut faire le lien avec les clients, refléter l’âme du quartier où l’on est, devenir un incontournable de son quartier.
Beaucoup se désespèrent d’une fermeture anticipée à 23 heures…
Personnellement, j’ai toujours fermé à 23 heures et ça ne m’a jamais handicapé. Certes quand on a des employés en CDI, ça peut être compliqué. Lorsqu’on nous a demandé de réduire l’accueil en salle de 50%, beaucoup ont pensé qu’ils allaient perdre 50% de leur chiffre d’affaires et qu’ils devraient se séparer de 50% de leurs employés. Nous avons pris la décision de continuer la formule tapas du soir et d’y ajouter l’ardoise du déjeuner. Comme ça, le soir, on garde les clients habituels et on gagne ceux qui viennent manger une entrée-plat et un dessert. On n’a pas touché aux prix mais on a fait grimper le ticket moyen. Le samedi et le dimanche, on propose le service continu.
« Convaincre des clients convaincus ne sert à rien.
B.B. du Belleville-sur-Mer
Il faut séduire de nouvelles clientèles pour les fidéliser »
Le prix c’est important ?
On se trompe, le prix ça ne veut rien dire ; ce qui est primordial, c’est le rapport qualité-prix. Ce qui importe pour le client, c’est de payer le juste prix, le prix juste. Si je vends une assiette à 18 € au lieu de 13 €, le client viendra une fois dans le mois au lieu de deux. Donc j’ai tout intérêt à vendre 2 assiettes à 13 € qu’une seule à 18 €.
Le mix des clientèles qu’est-ce que c’est ?
Si vous êtes sur un site touristique et que votre clientèle représente 90% de votre fréquentation vous êtes mal. C’est pareil pour les restaurants avec une clientèle exclusivement de bureaux. Il faut panacher les clientèles comme ça, lorsqu’une catégorie fait défaut, ça ne met pas en péril votre activité.
Comment les touristes ont-ils vécu leur séjour marseillais 2020 ?
Comme partout ailleurs en France, l’essentiel des touristes étaient français ; beaucoup de Parisiens et des bobos venus des quatre coins de France. Leurs retours sont très positifs mais ils ont déploré l’affluence sur les plages. En retour, ils sentent qu’à Marseille tout est possible et que tout est à faire. Je leur ai dit : – Revenez en septembre, ce sera encore mieux ».
Le Belleville-sur-Mer, 18, boulevard Montricher, Marseille 4e arr. Infos au 04 88 64 82 81.
Du quartier de Belleville à la belle ville
L’avenir des restos passera-t-il par les bistrots ? Seul l’avenir le dira mais, pour l’heure, Brice Berigaud savoure son bonheur à chaque service. Brice est né aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, il y a 33 ans, et a grandi dans le quartier de Belleville, à Paris. Cet ancien directeur du Bistrot de la Renaissance, XVIIIe, aimait Marseille au point d’y venir deux ou trois fois par an, « j’étais randonneur le jour et alcooleur le soir », sourit-il avec un accent de titi parisien assumé. « Lorsque j’ai eu 30 ans de Paris, j’ai eu peur de devenir un peu con et j’en avais marre de tourner en rond ». Arrivé à Marseille en octobre 2015, Brice fait un court passage au Café de la Banque d’Arnaud Lafargue, avant de rejoindre le Bar de la Relève où il s’immergera « dans le microcosme des 7e/8e marseillais ». Depuis, la suite se raconte au 18, boulevard Montricher. Belleville-sur-Mer
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