La petite boucherie de quartier a laissé place à un pop-up restaurant, comprendre, un restaurant qui accueille des chefs en résidence pendant quelques semaines voire quelques mois. Début juillet, Xavier Zapata a donc ouvert le feu en inaugurant cette nouvelle adresse, et vitrine ouverte sur la rue, avec une jauge limitée à 12-14 couverts tout au plus. Au Camas-Sutra, puisque le resto est ainsi baptisé, les clients dînent à quelques mètres du cuisinier(e) qui peut expliquer son menu, ses recettes, dévoiler un ou deux trucs. Une superbe et longue table unique accentue plus encore le côté convivial de la formule très cool, invitant à emmêler les conversations et les éclats de rire.
Jusqu’à la fin août, Zapata est à la manoeuvre et prouve, une fois encore, qu’il compte parmi les chefs les plus talentueux de sa génération. Injustement traité parce que ne traînant ni sur Instagram ni Facebook, le cuisinier mériterait pourtant un prestige au moins aussi grand que son talent. Dans une salle carrelée à mi-chemin entre l’esprit cuisine, boucherie et restaurant, chaque soir, le cuisinier propose une formule unique de 6 plats et un dessert. Un choix, limité à 6-8 bouteilles, mais pertinent et de bon goût, invite à découvrir quelques appellations, domaines et vignerons qui savent faire du vin.
Porté par une divine inspiration, le chef propose un menu qui gagne en intensité au fil du service, entamant le repas par une déclinaison de soupes surprenantes. Soupe au pain noir et poivron confit suivie d’une soupe froide d’huîtres de Camargue-condiment jaune d’oeuf Comté et noisettes accompagné d’une aubergine tiède. Chaque cuillère apporte son lot de surprises, le jeu des contrastes froid-tiède, les saveurs parfaitement équilibrées et l’esprit créatif du chef se combinent avec justesse. Rien n’est pompeux, les défenses tombent et on se livre en confiance au cuisinier qui a carte blanche pour nous épater. La nage de pastèque-ceviche de poisson de roche-condiment coriandre et concombre clôt le premier chapitre.
Zapata fait monter la pression : un velouté d’aubergine blanche et raviole farcie au poulpe annonce un poulpe simplement grillé, jus vert de cébettes, sur une pulpe d’aubergine fumée et pecorino puissante, à l’étonnante longueur en bouche. Et comme dans tout grand dîner, le dernier plat sera à base de viande, une volaille de Bresse cuite sur le coffre-ragoût de coco et émulsion iodée à la pistache.
Alors faut-il courir au Camas-Sutra pour, une fois encore, redécouvrir la cuisine de Xavier Zapata ? N’attendez plus et allez-y ! Tous les codes de la galaxie du chef sont réunis : saveurs délicates et marines, associations étonnantes et très intelligentes (tarte fine de pêches acidulées au curcuma-crème pâtissière au poivre de Tasmanie). A un ou deux exemples près, personne à Marseille ne réfléchit autant sa cuisine que ne le fait le chef. C’est un travail éclairé que Zapata donne à déguster, nourri de la lecture des oeuvres de Guy Savoy et Alain Chapel, et d’autant plus admirable que le cuisinier est un autodidacte qui a appris la cuisine sur le tas. Oui pour le choix des vins, très rafraîchissant (Les Lignis blanc 2019, en Reuilly du dom. Valéry Renaudat), et voluptueux (La Gourmande 2019 rouge du Mas de la Dame aux Baux-de-Provence). En décembre 2017, on écrivait que « Zapata, où qu’il ait travaillé, n’a jamais, jamais déçu ceux qui le suivent… » Une affirmation qui se vérifie presque 4 ans plus tard. La talent se cache dans la constance.
Camas-Sutra avec Xavier Zapatta jusqu’à la fin août 2021, 2, rue Goudard, Marseille 5e arr. Infos au 04 13 20 34 76. Menu unique 58 €.
Qui se cache derrière le Camas-Sutra ?
Le Camas-Sutra est un restaurant appartenant à la galaxie du « Parpaing qui Flotte », célèbre bistrot de la rue Goudard (5e arr.), piloté par quatre associés et amis : Jean-Régis Acher, Farah, Jérémy Magnan et Samy el Richani. Le quatuor est aussi à la direction du Bambino, cours Eugène-Pierre, du Gigi et du Verre à Cruz au cours Julien (6e arr). Tous les quatre quatre font le pari d’un pop-up restaurant « pour la beauté du geste », sachant qu’il sera difficile d’être rentable en n’ouvrant que le soir pour 14 couverts maximum. « Mais on veut mettre en avant des talents, on veut faire parler de la ville et de sa gastronomie, on souhaite être une adresse où les gens dialoguent, échangent et s’amusent en liberté » confie Jean-Régis. Un peu à la façon des mécènes d’autrefois.
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