On dit de Noailles qu’il est le ventre de Marseille. Chacun à le Rungis qu’il mérite et nous, nous sommes fiers du nôtre. Noailles ce sont, en réalité, plusieurs rues, du cours Saint-Louis à la rue d’Aubagne, de la rue Longue des Capucins à la rue du Musée que les « Parisiens » (nom donné à tous ceux qui ne sont pas d’ici) ont résumé en un seul nom. Qu’ils soient pardonnés. Ce ventre de Marseille est pluriel. Il est peuplé de Vénézuéliens, Maghrébins, Italiens, Sino-vietnamiens, Sénagalais et Comoriens, chacun ayant enrichi l’offre alimentaire de la ville de ses trésors comestibles. Il y a « deux Noailles » ; celui qui est façonné, décoré, codifié pour plaire aux « Parisiens » qui retrouvent à Marseille les mêmes adresses qu’ils fréquentent à Paris. Et puis il y a le Noailles secret, celui dont on tombe amoureux pour peu qu’on prenne la peine de s’intéresser à ses habitants. Comptoir des Beaux Arts
Le Comptoir des Beaux arts est une institution silencieuse, souvent boudée des médias qui, pour la majorité, ignorent jusqu’à son existence de peur de s’aventurer ailleurs qu’à la rue d’Aubagne. L’adresse se savoure en deux temps. Primo, on fait la queue devant un réduit de 5-6 mètres carrés dans lequel des femmes, rien que des femmes, façonnent et cuisent des kesra. Pas de photos, elles n’aiment pas ça. Elles travaillent à la main un mélange de semoules de blé, d’huiles végétales, avec un peu de levure. Un pain algérien qui, comme notre baguette, se savoure salé en accompagnement des plats à table, ou tartiné « de confiture avec un café au lait pour le goûter » comme le préconise Momo.
Direction ensuite le comptoir du Comptoir. Momo cuisine avec soin et application ce midi. Nassira passe pour demander si tout va bien et on passe commande. Des sardines et des daurades cuites à la poêle, des beignets de calamars, une chorba en hiver, des bricks, une méchouia (qu’on peut partager à deux) un tajne de chou-fleur en sauce et une m’loukhia. Concernant cette dernière, il faudra un jour entamer le débat sur le pays qui la cuisine le mieux, les Egyptiens étant les meilleurs dans cet exercice… Certains l’aiment gélatineuse mais la corète bien cuite, ce n’est pas gélatineux, on la citronne et c’est très bon.
Beaucoup de restaurants nous bassinent à coup de partage et de générosité. Ici, la kesra nous a été offerte tout comme le thé à la menthe. Les sourires aussi ont été distribués sans compter par cette famille, pilier de Noailles, fière d’accueillir à sa table. Beaucoup d’Algériens y ont leurs habitudes et ça, c’est bon signe. Il y a de l’amitié, de la fierté dans cette cuisine de famille qui ne revendique aucun génie et toute cette humanité, qui manque cruellement à la profession, ça nous a fait un bien fou.
Comptoir des Beaux Arts, 15, rue Rodolphe-Pollak, Marseille 1er arr. Pas de résas. Environ 10 €.
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