Nadjatie Bacar s’est d’abord fait connaître avec un estaminet bien caché dans le quartier du Panier. Portée par sa réputation, la voici de retour sur la scène urbaine, avec un vrai restaurant cette fois, toujours baptisé Douceur Piquante, deux délicieux épithètes qui résument à eux seuls son caractère et sa cuisine. Pas de carte, pas d’ardoise chez Nadjatie mais une maman douce, une cuisinière souriante et énergique qui vient à chaque table déclamer les inspirations du jour : “Je n’ai pas de marché attitré, je fais tous les marchés de la ville et je suis très fidèle à Djamel qui vient tout exprès de Saint-Rémy-de-Provence”. Sitôt assis, elle lance : – Vous voulez un jus qui pique ou qui pique pas ? J’ai celui à base de citron-gingembre et ortie qui vous apportera de la force, de l’énergie et de l’espoir ; sinon, j’ai du bissap » propose Nadjatie en guise d’apéritif.
“On va se comprendre car vous avez faim et moi, je cuisine” promet notre hôte en annonçant les sardines de Berthe, épouse du pêcheur susnommé, qui seront proposées en de multiples façons, filetées, arrêtes frites et croustillantes, accompagnées de légumes au vinaigre. Une assiette tonique, incisive et qui donne une idée de la gastronomie comorienne. Comme un lutin, Nadjatie virevolte, chante et rit derrière son comptoir, « portée par les énergies ». Suit une très belle assiette de riz couleur curry parsemé de sommités de brocoli cuites. Deux boulettes de viande de veau aux herbes ont été posées là, imbibées d’une sauce aux favouilles (petits crabes) infusée 48 heures. Troublant.
Une fine fourchette, qui se reconnaîtra, avait glissé un jour que le mi-cuit chocolat de Nadjatie n’avait pas d’égal à Marseille. L’impétrante le sert avec quatre ou cinq fines rouelles de kumquats, des fins pétales de fleurs d’œillets émincés et quelques tours de moulin à poivre, pour taper fort sur le cacao et la longueur en bouche. Alors faut-il inviter vos potes à découvrir la cuisine comorienne de Douceur Piquante ? Oui, surtout si vous aimez le style de Nadjatie, exalté, aromatique et foisonnant. Vous serez ému par ce registre maternel et généreux, celui d’une maman qui distribue de l’amour comme le petit verre de bissap avec le gâteau au chocolat… « Je suis très croyante et je repousse tout ce qui divise et sépare les hommes », dit Madame Bacar. Ça tombe bien car la cuisine, c’est fait pour rapprocher les gens.
Douceur Piquante, 11, rue Guy Môcquet, Marseille 1er arr. ; infos au 06 60 15 93 05. Environ 30 €.
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