Il a connu, jeune, tous les succès. Une première étoile au guide rouge à 25 ans, la seconde quatre ans plus tard. Comme si le destin avait exaucé les vœux de ce cuisinier de 47 ans : « J’ai toujours tout voulu trop vite, confesse Edouard Loubet. Le résultat ? Ça fait 17 ans que je suis sur la touche. Pourquoi il ne se passe plus rien depuis ? » Plus rien ? En 2011, Gault&Millau décerne pourtant le titre de cuisinier de l’année au maître de Capelongue. Alors Loubet n’aurait-il pas une insatiable soif d’énergie, de mouvement, d’événement ? « Ce que je cuisine aujourd’hui est peut-être un peu moins foufou qu’il y a 20 ans mais c’est toujours aussi étonnant et inattendu, assure-t-il. Désormais, tout est mûrement réfléchi, je revendique une maturité dans ma cuisine qui se nourrit de l’avis seul de mes clients ». Homme tout en nuances, Loubet n’aime pas la comparaison, il préfère les avis, les jugements : « Quand on a le nez dedans, c’est bien d’écouter les avis extérieurs. En revanche, tous les cuisiniers sont incomparables, on ne mesure pas le travail de Bras à l’aune de ce que fait Roellinger. D’ailleurs, je n’aime guère le mot jugement, je préfère parler d’appréciation ».
« J’ai parfois fait des erreurs de jeunesse,
je le reconnais, je suis franc et je ne regrette rien »
Maturité, nuance, Edouard Loubet porte un regard sans concession sur la profession : « Je trouve bizarre que des chefs qui n’avaient rien il y a 15 ans, soient aujourd’hui portés si haut, si vite ». Un regard lucide sur lui-même aussi : « J’ai parfois fait des erreurs de jeunesse, je le reconnais, je suis franc et je ne regrette rien. Mais peut-être que je paie les pots cassés… Je paie d’avoir été chef étoilé trop tôt ».
Un cuisinier sinon touchant, du moins émouvant. Edouard Loubet parle sa cuisine, des mélanges d’herbes réfléchis, soupesés, testés et du dernier livre qu’il a lu : « A la rencontre des cépages modestes et oubliés » (*). « L’environnement c’est mon outil de travail. Je suis un caméléon de la cuisine, si je suis en bord de mer, je travaillerai les produits qui s’y trouvent. Où que je sois, je me nourris des produits de saison à 100% issus de la nature environnante ». Reconnaissant son obligation, son impérieux devoir de régularité, Loubet, cent fois sur le métier, remet son ouvrage : « Mon métier exige une irréprochable régularité ; aujourd’hui, ce qui importe, c’est la régularité, et c’est sur ça aussi que j’aimerais qu’on me juge ». Alors, la course est finie ? « Je l’ai dit à 29 ans, je le redis aujourd’hui : j’ai encore envie de décrocher les trois étoiles. Pour mes enfants, ce serait bien de finir la course car je ne les vois pas assez mais je veux les trois étoiles ». Considérant que « le Luberon mérite mieux qu’un seul trois macarons, Loubet assure qu’il y a de la place pour tout le monde : ça se mérite, c’est tout ».
« Peut-être que je paie les pots cassés…
Je paie d’avoir été chef étoilé trop tôt »
A Bonnieux, dans sa magnifique Bastide de Capelongue, à Lourmarin, dans son Moulin, Loubet conduit une équipe de quelque 60 personnes : « En cuisine, nous passons de 5 éléments en saison calme à 20 personnes en été ». Son monde compte deux piscines, 3 restaurants, 33 chambres, 6 hectares de parcs et jardins… Non sans fierté, il reconnaît que ses trois enfants de 14, 12 et 5 ans, poussent fréquemment la porte des cuisines : « Ils veulent aider et participer alors je les colle parfois aux postes les plus besogneux, les plus fastidieux et ils s’en sortent mieux que mes gars issus d’une école hôtelière ! Soyons clair, conclut-il. S’ils viennent à la cuisine, c’est parce qu’ils l’auront voulu mais ce n’est certainement pas moi qui les aurai obligés ». Et si c’étaient les enfants d’Edouard et Isabelle leurs vraies seules trois étoiles ?
* « A la rencontre des cépages modestes et oubliés », hors collection, Dunod Ed. par André Deyrieux
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