Sur les rails. Un mois jour pour jour après l’inauguration de leur restaurant, Antoine Joannier et Neil Mahatsry sont sur des charbons ardents. Pour l’heure, l’accueil et la critique sont bons et les regards convergent avec insistance vers ce nouvel eldorado de la cuisine à la flamme. Du déjeuner au dîner, les clientèles de tout âge se mêlent, les uns curieux, les autres joyeux, tous en attente des surprises dont la brigade de Neil est capable. Derrière le comptoir qui fait office de scène, le feu, les bûches, les viandes et poissons pendus en quête d’une juste fumaison.
La carte couleur grenat titille, excite la curiosité avec une tempura de potimarron-brousse fumée séchée-émulsion de beurre noisette ou cette poitrine de porc confite jus vert viandard et herbes fraîches. Sur la table voisine, une dame sourit comme dans l’intimité face à cet œuf parfait légumes verts-labneh fumé. A gauche, une poire pochée au sirop de figue de barbarie-financier et sorbet de fromage blanc donne envie d’accélérer le service pour passer illico au sucré.
Le pâté de cannette lardé d’algues kombu est chapeauté d’un pickle de céleri. L’assiette est acidulée et iodée, les viandes arrondissent les angles. Le ton du déjeuner est donné. Avec quelques lamelles de pagre juste saisi, un espuma de soupe de poisson assaisonné au garum claque en bouche. Inspiration nipponne pour plat méditerranéen, un peu d’umami par-ci, de la mer par là, c’est séduisant. Les ribs de bœuf ont été laqués-fumés, parsemés de gingembre et citronnelle et de mayo verte. Une salade frisée grillée balance du fumé à l’amer, les intentions du chef sont claires et lisibles, gras et croustillant font cause commune.
Un petit bol de zkhoug (une purée de piments aillée, enrichie d’oignons confits au feu et de coriandre) escorte les recettes. On en tartine partout, c’est addictif et ça bouscule les sens de Marseillais habitués à des saveurs et une cuisine trop linéaire. Et avec le café, ce sera un pain de Gênes cacao-glace sarrasin et ganache chocoblanc caramélisée au pralin. C’est finalement le dessert qui sera le plus sage dans ce repas d’inspiration ethnique-chic.
La jolie réputation naissante de Grenat est-elle justifiée ? Oui car son côté novateur et la créativité de chaque assiette bousculent les codes ; un peu à la façon de la cuisine paléolitique, ici on mêle amer et fumé, salé et iodé, suavité et sucrosité. On aime la spontanéité et la réflexion de la carte, cette exaltation des saveurs boisées qui naît des graines craquantes. Herbes, flammes, chairs… On s’est demandé si Neil serait gêné à l’idée qu’on range sa cuisine dans le registre paléo… Ça l’a fait sourire. Finalement, le plus important, c’est qu’on y ait pris du plaisir.
Grenat, 57, rue Grignan, Marseille 6e arr. ; infos au 04 13 94 15 65. Déjeuner, de 32 à 37 € ; soirées 80 € (+ 40 € accords mets-vins)
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