Le caviar de Gironde, qui avait disparu des tables prestigieuses avec l’extinction des esturgeons sauvages, a repris sa place sur la carte des restaurants étoilés et les rayons des épiceries fines. A Biganos, où a été lancée en 1993 la fabrication de caviar à partir de poissons d’élevage originaires de Sibérie pour remplacer l’espèce locale, près d’une tonne de ce divin mets a été produite en 2009, sur les 20 tonnes produites en France.
Au Moulin de la Cassadotte à proximité du bassin d’Arcachon, sur un site en pleine nature de 12 hectares dont quatre de bassins où 70.000 esturgeons vivent dans des eaux naturelles, saines et contrôlées, se fabrique le Caviar de Gironde. « On a ici le potentiel pour produire 5 à 6 tonnes de caviar par an mais on ne veut pas dépasser les 2 à 2,5 tonnes« , indique Jean-Pascal Feray, 42 ans, le président de cette jeune société, qui raconte comment a été pris le parti de la qualité. « On s’est dit que dans le monde du luxe il fallait que nous fassions le meilleur caviar », souligne-t-il.
Une légende du Sud-Ouest de la France veut que ce soit une princesse russe qui soit à l’origine du caviar français. En 1916, de passage en Gironde, elle surprit des pêcheurs d’esturgeons – surnommé le créac localement – en train de jeter les oeufs des poissons aux canards et aux poules. En leur apprenant l’art de préparer le caviar, elle ouvrit une période faste pour les pêcheries de l’estuaire.
Le caviar de Gironde devint un produit de luxe dans les salons parisiens, la demande fit monter les prix et, dans les années 1960, les huit comptoirs spécialisés répartis sur les bords de l’estuaire s’enrichirent grâce aux oeufs d’or. Mais l’exploitation intensive conduisit à la disparition progressive du poisson au point qu’en 1982 l’esturgeon local, l’Ascipenser sturio, est déclaré espèce protégée. Sans grand
succès, puisqu’il n’en reste presque plus.
Le phénomène touche aussi les principaux producteurs, la Russie et l’Iran, où la surexploitation et la pêche illégale ont entraîné une réduction draconienne des exportations. Mais c’est de Sibérie qùest venu le salut. Le Cemagref de Bordeaux (Centre du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts) a décidé d’importer de cette région russe une autre espèce d’esturgeon, l’Ascipenser
baerii, pour l’élever en bassins. Le Moulin de Cassadotte fait aujourd’hui partie des quatre sites de production de caviar implantés en Gironde.
Qualité de vie
caviar de qualité
Le volume est resté modeste jusqu’en 2006, lorsque le site fut repris par la SAS Caviar de France, qui emploie aujourd’hui sept salariés permanents et a réalisé 650 000 euros de chiffre d’affaires sur la seule vente du caviar en 2009. Dans les 32 bassins alimentés en eau douce par le ruisseau Lacanau, la densité de poissons a été divisée par deux par rapport aux méthodes d’élevage habituelles et le réchauffement de l’eau qui accélère la maturation a été exclu.
« L’esturgeon a besoin de qualité de vie. S’il n’est pas dans un bon contexte, le caviar ne peut pas être bon », dit Jean-Pascal Feray.
Il faut jusqùà dix ans pour pouvoir récupérer les oeufs. A environ 4 ans, seules sont gardées les femelles qui sont changées de bassin en fonction de leur âge et terminent leur vie dans un bassin d’affinage alimenté par de l’eau venant de la
nappe phréatique, ce qui permet d’éliminer toutes les impuretés. A maturité, une femelle peut atteindre 1 mètre de long pour 7 kilos et produit environ 10% de son poids en caviar.
Les opération sont ensuite effectuées en laboratoire, du tamisage de la poche des oeufs jusqu’au salage et à l’empotage dans des verrines ou des boîtes métalliques. L’une des spécialités maison est le Caviar de Gironde baptisé « Diva », le seul caviar frais français sans conservateur, consommable durant trois mois, qui est vendu par les producteurs à 69 euros pour 30 grammes.
« L’Ebene », caviar plus classique fabriqué avec un conservateur selon les techniques traditionnelles russe et iranienne, est consommable pendant 18 mois et revient à 90 euros pour 30 grammes.
Je ne connaissais pas ce type de caviar. Le prix est tout à fait raisonnable, pour un met d’une telle exception