Il est un emblème à lui seul, se revendiquant plus endoumois que marseillais. Le Muge s’est fait connaître d’abord sur la planète rap puis en chantre de l’art de vivre au fil des 16 arrondissements de la ville. Défenseur d’une « cuisine des trucs simples », le Muge organise régulièrement des soirées dans des bars de quartier où tous ses potes (et ceux qui ne le sont pas encore), se précipitent. Points communs de toutes ces « Muge Knight » : l’accueil et la gentillesse. Portant un œil aiguisé sur l’évolution de sa ville, notre Muge international lance un plaidoyer en faveur des bars de quartier.
« Un bar, un bistrot, vous l’appelez comme vous voulez, ça renvoie à ma jeunesse. Pour moi, c’est un lieu de lien social dans le quartier ; on s’y rassemble après le boulot, on y retrouve les voisins. C’est tout le contraire de la vie dans les nouveaux immeubles d’aujourd’hui avec des gens qui sortent du bureau, ils prennent la voiture, entrent dans leur parking, ils montent dans l’ascenseur et se retrouvent chez eux… pour plonger dans le numérique ».
« Un bar, ça sent l’ancienne époque »
Les troquets sont de moins en moins nombreux en France ; on en recensait 200 000 en 1960, il en restait 35 000 en 2017. Marseille n’échappe pas à la règle, Samatan par exemple (un sous-quartier d’Endoume) comptait 10 adresses, il n’y en a plus un seul. Il en va de même à Vauban, au Panier, exception faite de la place de Lenche… En 1989, dans un livre référence, « The great good place », le sociologue américain Ray Oldenburg avait évoqué « l’extraordinaire pouvoir démocratique des bistrots » français, parlant de « tiers-lieu essentiel à la vie démocratique ».
Un constat que partage le Muge : – A 11, 12 ans, mon père m’emmenait au bar et je me souviens que je faisais mes devoirs sur le comptoir. On s’y retrouvait avec les copains autour du baby, du flipper et des jeux d’arcade ». Extension de la maison, le bar accueillait une population qui, jadis, vivait dans de petits appartements ou des mini maisons, « ce n’était pas qu’un lieu de consommation d’alcool, on y buvait un café, un jus de fruit, on y lisait le journal tout simplement. Quand certains les dénigrent, moi je défends la véritable esthétique, la philosophie du bar. Je me désole quand on rachète ces adresses et qu’on casse tout en tirant un trait sur le passé ; à titre d’exemple le bar de l’Avenir n’a pas changé et cultive l’esprit des années 1980″.
Peut-être qu’un jour les bars reviendront-ils à la mode ? La vie est un cycle et il y a des quand même quelques amateurs du genre qui sauvent certains bars de la casse. « Quand tu voyages, tu vas chercher des endroits typiques, poursuit le Muge. Si je vais en Angleterre, je vais me régaler dans un vrai pub et je m’amuse plus que dans un lieu décoré à la mode qu’on pourrait retrouver partout. Nous, on a ce patrimoine, il faut le conserver. Je tiens à préciser que je ne m’oppose pas aux adresses 2.0, tout est question d’équilibre. Je n’aime pas non plus qu’on dise que je suis un défenseur parce que je ne suis pas en guerre. Je n’ai rien à gagner quand je dis que j’aime les bars, j’aime ma ville, c’est tout ».
Les bars, pour un tour du monde à chaque coin de rue
Les bars, lieux de vie, ne sont pas que des lieux de consommation d’alcool. Loin s’en faut. Quand il était gosse, le Muge se régalait de kémia, « c’étaient les pieds noirs qui avaient ramené ça… Il y avait des fèves, des olives, des anchois. Et il y avait aussi les oeufs durs trônant sur le comptoir. Quand j’organise des événements, je remets au goût du jour les plats de grand-mère comme les pâtes aux boulettes, les alouettes, l’aïoli, le couscous. Bref que des trucs qui mélangent toutes les communautés ». Et de citer encore les aubergines à la bonifacienne un jour, les encornets le lendemain, le couscous un jour encore, « dans un bar tu traverses la Méditerranée dans tous les sens en 24 heures. Moi, je suis dans le délire Italo Marseillais parce que ce sont mes racines. Pour leur dernier album, les rappeurs du 3e œil m’ont invité à faire une recette avec eux et une chef comorienne. J’y ai pris un plaisir fou, ça aussi ça fait partie de Marseille. Les Comoriens aussi ont amené leurs plats, comme d’autres l’ont fait des siècles auparavant ».
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