On les appelait rameaux provençaux ou rameaux des confiseurs et ils ont quasiment disparu du paysage, une seule maison à Marseille les propose encore, vestige d’une tradition qui s’éteint. A la chocolaterie Hubert, c’est Patrice Acourt qui s’y colle chaque année et réalise lui-même une cinquantaine de rameaux qui seront vendus aux environs de 42,50 € pièce. Chargés de pâtes d’amandes, chocolats, fruits confits et jouets à la façon de ceux qu’on trouvait dans les pochettes surprise, ces rameaux « étaient initialement offerts par les parrains et marraines mais maintenant, ce sont les grands-parents qui essaient de maintenir la tradition », explique l’artisan.
Derrière le comptoir, Léa et Tanguy, respectivement fille et gendre de Patrice, enrubannent les œufs, poules et cloches, car Pâques carillonnera à la fin du mois cette année. Les anecdotes sur les rameaux, Patrice pourrait en raconter des tonnes, comme celle de cette jeune fille qui lui a demandé l’an dernier d’en réaliser un « un peu spécial » pour sa grand-mère qui l’a reçu « émue aux larmes ».
50 rameaux provençaux par an
Sur son établi, le geste sûr, Patrice enveloppe de papier dentelle brillant une ossature de fil de fer et un tube ; les plumes symbolisent les feuilles, des sachets de bonbons sont accrochés un peu partout, avec des sujets de Pâques en chocolat. « A Marseille, autrefois, le ruban rose était réservé aux garçons, le ruban bleu pour les filles » assure le chocolatier, évoquant le bleu de la robe de Notre-Dame de la Garde dédié aux filles. Il lui faudra 45 minutes pour fabriquer un rameau. Les rameaux provençaux sont à la peine car « si on n’a pas grandi avec ça, ça ne veut rien dire », reconnaît Tanguy. Il n’empêche, d’année en année, la famille note, sinon une augmentation, du moins une résistance de la tradition. Piètre consolation.
Et à ceux qui lui disent qu’on ne bénit pas un objet païen, Patrice hausse les épaules et s’amuse : – A la messe des bikers on bénit les Harley ! On peut bien bénir un rameau, fût-il pour un enfant ».
Chocolaterie Hubert, 4, rue des Orgues, Marseille 4e arr. ; infos au 04 91 34 22 65.
400 ans pour les interdire
« Ce rameau est un joli petit bâton de bois léger enguirlandé de papier doré, simulant une branche d’arbre avec des feuilles artificielles. Il porte régulièrement, à son extrémité supérieure, une grosse orange confite, et présente ça et là, attachées autour de ses branchettes, maintes friandises qui pendent comme des fruits sur un arbre naturel » écrit Béranger-Féraud, dans Traditions de Provence, paru en 1885. Il aura fallu cependant 400 ans à Rome pour venir à bout de cette tradition car en 1585, lors d’un concile tenu à Aix-en-Provence, l’Église avait interdit de bénir des rameaux chargés de confiseries destinés aux gosses. Un texte que personne n’a respecté pendant 400 ans, jusqu’à ce qu’au milieu du XXe siècle, certains aient exhumé cette interdiction au prétexte que les rameaux des enfants pauvres n’étaient pas aussi richement garnis que ceux des riches, sucitant fierté chez les uns et tristesse chez les autres.
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