
Début janvier 2025, Julien Diaz et Guillaume Bonneaud passaient les clefs de leur restaurant Saisons, à Manon Dubois et Mathieu Bourdoiseau. Un peu de peinture ici, de la tapisserie là, quelques semaines de rafraîchissement plus tard, après avoir accueilli en soft opening amis et proches, les deux trentenaires ont ouvert au public le 11 février dernier. « C’était en pleines vacances scolaires, c’était très calme », se remémore Mathieu. Avec un profil atypique, ce natif de Nîmes revendique deux masters 1 en psychologie et un diplôme de professorat des écoles. Spécialisé pour enseigner auprès d’enfants autistes avec un lourd handicap, Mathieu a exercé une dizaine d’années auprès d’enfants âgés de 6 à 12 ans. M Rencontre
Objectif Top Chef, « un concours de cuisine »
« Le soir, quand je rentrais à la maison, je cuisinais, c’était mon exutoire jusqu’au jour où j’ai éprouvé le besoin de penser à moi. J’ai eu envie de transmettre mon énergie émotionnelle et le seul vecteur, c’était la cuisine », dit-il. La meilleure amie de Mathieu l’inscrit à la saison 6 d’Objectif Top Chef, « un challenge car il s’agissait de passer du steack-purée de la maison à un plat servi à un chef professionnel. Pour moi, ce n’était rien qu’un concours de cuisine. Si j’avais été dans une dynamique télé, je serais allé plus loin ».
« J’ai bossé dans des maisons une et deux étoiles mais on était dans un tunnel sans se poser de question. Moi, je veux donner une valeur et du sens au travail »
Atypique, le parcours de Mathieu Bourdoiseau l’est aussi dans sa formation. D’un estaminet parisien à Londres, où il travaille comme chef privé chez un trader, il revient à Paris cuisiner pour des particuliers. Il enchaîne ensuite avec un poste de chef dans un bistrot à Vauvert, dans le Gard, « mais c’était trop tôt, je n’avais que 3 mois d’expérience ». Suivront quelques mois à Garons, chez Alexandre d’où Mathieu est « ressorti rincé ». Les huit prochains mois se jouent ensuite à Paris, chez Victor Mercier, « et là, j’ai compris la cuisine, la réflexion et le sens de l’exigence ». En 2023, escale à La Rochelle chez un ami qui ouvre son restaurant dans un hôtel 5 étoiles. « Deux mois plus tard, j’ai endossé le poste de chef et gérant mais c’était encore trop tôt pour moi ». La rencontre avec Manon Dubois marque le grand tournant : – A deux, nous avons réussi à tenir la barre, les clients étaient heureux, les échos étaient bons, la mayonnaise était en train de prendre ».

« Il faut prendre soin de chacun mais, en même temps, il faut se confronter à l’exigence, au collectif, et sortir de notre zone de confort »
Soif de liberté, envie de se mesurer au monde, le couple décide de partir en back pack pour 6 mois en Amérique du Sud. Brésil, Argentine, Pérou, Mexique, Colombie, Bolivie (« quel magnifique pays »), le duo visite, s’inspire et goûte tout, du boui-boui aux grands restos, des fincas de café aux petits producteurs, « c’est à notre retour qu’est prise la décision de s’installer à Marseille ». Après quelques mois passés chez Ludovic Turac, Manon et Mathieu « commencent à réfléchir ». Plusieurs missions, notamment dans la Vallée des Baux, s’enchaînent durant lesquelles ils développent leur projet jusqu’à ce qu’une agence leur présente Julien et Guillaume. Le courant passe, un bon feeling entre les vendeurs et acheteurs et les choses se concrétisent. « On a ouvert le 11 février mais ce jour-là, je n’ai pas réalisé, je n’ai toujours pas réalisé d’ailleurs, que nous sommes enfin dans notre restaurant ». Le meilleur arrive.
M Rencontre embrasse les codes de l’économie sociale et solidaire
Quand Manon et Mathieu ont commencé à pitcher leur projet, ils décident très vite d’adopter les codes de l’économie sociale et solidaire. « Ça a toujours été notre pensée de base mais on ne pensait pas la formaliser à ce point », explique Mathieu Bourdoiseau. Une gestion qui se résume à 6 semaines de vacances par an pour le personnel, une gouvernance participative, la possibilité pour certains salariés d’entrer au capital de l’entreprise, le respect des horaires contractuels « de 39 à 42 heures » et le retour sur investissement en fin d’année. « Cette économie, ce sont des engagements, c’est un cadre qui nous oblige. Par exemple, nous reverserons 50% des bénéfices à l’entreprise pour lui permettre d’investir et garantir la qualité de l’espace de travail ».
M Rencontre, 8, rue Sainte-Victoire, Marseille 6e ; infos au 09 51 89 18 38.
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