« La vie est faite de rencontres, ce sont elles qui m’ont fait naviguer. Je n’ai jamais eu l’ambition d’être riche ni connue et j’ai toujours été conduite par mon cœur et mon entrain ». Minou Sabahi termine sa tasse de café noir comme ses longs cheveux ; cette jeune iranienne s’apprête à diriger la cuisine du pop-up restaurant le Camas-Sutra, du 15 mars au 28 mai. Une occasion rare pour les amateurs de cuisine iranienne contemporaine ou ceux qui aspirent à la découvrir.
Native de Téhéran, Minou a grandi en France, non sans avoir connu les affres de l’errance, d’un pays à l’autre, de la Hollande à l’Angleterre, avant la France et Paris. « Nous avons quitté l’Iran avec mes parents et mes deux autres sœurs lorsque j’avais 6 ans ; mon père et ma mère pensaient que l’Europe permettrait à leurs trois filles de vivre libres et émancipées ». D’un pays à l’autre, cette famille de la classe moyenne « pensait et voulait être bon élève pour être ‘normale’ et non plus cataloguée exilée ».
Vers de terre hachés menus
Pour Minou, cette acceptabilité est passée par sa passion de toujours : la cuisine. « Je suis née dans un jardin, celui de la maison de ma grand-mère, au milieu des arbres fruitiers, des noix, des figues, des coings, des roses et des prunes, au milieu des abricots, des pêches et des agrumes ». Un jardin d’Eden qui marquera à jamais son goût pour le goût et ses premiers émois liés aux odeurs : – J’ai grandi au milieu des femmes, dans les cuisines. Petite, j’avais toujours les mains dans la terre et je coupais les vers en morceaux pour qu’ils se dédoublent à l’infini… Ça a été ça mon premier geste de cuisine : couper des vers », rit-elle.
« Mon histoire m’a construite, c’est une fierté. Mon parcours diffère de celui de mes amis ; ces chemins nous définissent mais ne nous oppossent pas »
Minous Sabahi
La gourmandise du peuple iranien est réelle, chaque repas réunit des saveurs sucrées et salées, acides, aigres et amères. « On travaille les épices mais toujours infusées sous forme de bouillons, de ragoûts, on mange du riz, des oléagineux » poursuit la cuisinière âgée de 33 ans. Ses paroles sentent bon le clou de girofle, le safran, la coriandre, le curcuma, la rose de Kashan ou la cannelle. « J’avais bien commencé des études d’anglais mais je me suis très rapidement fait chier. J’avais besoin de mouvement et de faire plaisir de toucher les gens ».
Nourriture percutante
Voir les yeux qui pétillent chez ses hôtes attablés, voilà le moteur de Minou Sabahi. Pour y parvenir, la cuisinière a repensé toutes les recettes traditionnelles du pays des shahs, en a gardé le meilleur en cherchant leur intrinsèque élégance. « Ça passe par un travail des ingrédients conforme au goût iranien mais plus léger en bouche. En Iran, les goûts sont très puissants, la nourriture est percutante alors chacun de mes plats conserve cet ADN mais je ne cherche pas à choquer ni brusquer. Dans mes recettes, un goût ne prend pas le pas sur un autre ».
« Le 21 mars, ce sera le nouvel an iranien, le 1er jour du printemps »
Minou Sabahi
Et les amateurs français sont très réceptifs à cette approche, « chez moi, un gopût ne prend pas le pas sur un autre et beaucoup me disent que c’est une cuisine très raffinée » se félicite Minou qui s’est lancée à plein dans la cuisine à 25 ans. Chef indépendante depuis 4 ans, elle est allée au Japon pour affiner ses techniques de cuisine et met désormais à profit son expérience dans la création de lieux : – On me propose des projets et je les accepte au gré du vent. Etre itinérant, c’est être indépendant et si un jour j’ai des enfants, j’arrêterai l’itinérance pour me stabiliser dans le Sud. J’aime Paris mais je ne me vois vraiement pas avoir une affaire là-bas ».
Pour Minou Sabahi peut-être plus que pour beaucoup d’autres, la vie est faite de rencontres « ce sont elles qui m’on fait naviguer, reconnaît-elle. Pour mes parents, tout a été compliqué et ils ont tout surmonté. Comme eux, je surmonterai tout ».
Camas-Sutra avec Minou Sabahi, du 15 mars au 28 mai, 2, rue Goudard, Marseille 5e arr. Infos au 04 13 20 34 76.
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