« Notre parti pris, il est marseillais car j’ai l’impression que les adresses marseillaises ferment les unes après les autres, vous pouvez me citer un eendroit où on mange encore un cornet de panisses en centre-ville ? ». Alicia et Sabyne ont fait un constat : la cuisine « historique » marseillaise est mal en point et, pour répondre à la fatalité, les deux copines viennent d’ouvrir Tête d’Aï, au cœur de Noailles. Un estaminet qui ne dépasse pas les 20 mètres carrés, avec un comptoir carrelé et quelques tables alignées devant. Lundi 3 juin, pour l’inauguration de leur échoppe, Sabyne avait cuisiné des escargots en sauce piquante, « selon la recette de ma grand-mère et ils ont tout mangé », sourit-elle avec le sentiment d’avoir gagné, sinon la guerre, du moins une bataille.
Les légumes du jardin
« A Noailles, il y en a pour toutes les bourses et chacun peut bien manger quelque soit son budget, estime Sabyne citant pêle-mêle Yassine, la pizzeria Chez Sauveur, El Barrio Marsella de Juan Pulgarin. Chez nous, on mange pour 10-20 € », assure-t-elle pointant du doigt une ardoise où le pain bagnat cohabite avec les panisses et le tiramisu. « En 2016, j’ai acheté un petit bien à Noailles et ça a suffit à me rattacher à ce quartier, je suis membre du collectif des habitants de Noailles, raconte Sabyne qui a gardé ses attaches à Bouc-Bel-Air. Là-bas, j’ai un jardin en permaculture et cet été on mangera les tomates, les aubergines, les courgettes, poivrons, aromates et les fleurs de mon potager ! »
« Tête d’Aï reprend le flambeau des anciens »
« C’est un quartier de copains, c’est populaire, pour moi, c’est le quartier des bienveillants, l’interrompt Alicia. J’ai grandi ici et, franchement, je n’étais pas chaude pour y travailler mais depuis une semaine, finalement, je suis super contente de bosser ici. C’est plein de couleurs, y’a toutes les mamies marseillaises qui passent ». Carte « historique » mais également biologique : 90% des produits servis chez Tête d’Aï sont bio à l’instar de la farine de pois chiches, issue du moulin de Grans, dans les Bouches-du-Rhône.
Les deux amies insistent sur leur « trame » : la Provence et sa cuisine, rare mais pourtant plébiscitée lorsque la daube, les pieds-paquets (faits par la maman de Sabyne), le minestrone et son proche-parent, la soupe au pistou surgissent sur les cartes. « La cuisine a de la ressource », répètent-elles. « Dans quelques semaines, on fera des chichis mais je suis en quête d’une recette qui ne colle pas au palais et qui n’ait pas le goût d’huile. Je vais bien finir par trouver », dit Sabyne.
Aux touristes qui déferlent, Tête d’Aï donne à déguster un kéfir maison pour se rafraîchir ou un café bio au tarif imbattable. « Ils sont heureusement surpris, ils disent qu’il y a beaucoup de saveurs dans nos plats… Il faut dire que j’adore les herbes aromatiques, j’en mets plein et partout », s’amuse Sabyne qui trouve triste que tout soit « trop cher maintenant, c’est pas funky de n’être accessible qu’à une partie de la population. Si tu veux être accepté à Noailles, il faut ouvrir ta porte à tout le monde ».
A la fin du mois d’août, les deux amies se lanceront pour la première fois dans le festival KoussKouss. Une autre façon de renouer avec la cuisine de rue, populaire, et ancrée dans son quartier.
Tête d’Aï, 19, rue d’Aubagne, Marseille 1er arr. (« à côté de Gigi ») ; infos au 06 61 91 27 00. De 10 à 20 €, café bio, 1,50 €.
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