Joucas, c’est un petit village de pierres sèches, un agglomérat de maisons qui font penser à une crèche provençale avec pour limites le vignoble des vins AOC ventoux et le petit Luberon en toile de fond. Sur son promontoire, la commune ne manque pas de charme et semble défier l’éternité. Dans la campagne, à l’ombre des chênes kermès, la route qui serpente vers l’hôtellerie du Phébus raconte l’histoire de cette famille qui porte cette maison à bout de bras. « Ce qui peut surgir en un instant a mis des années à cheminer » dit Xavier Mathieu. Une phrase qui résume le travail de ce provençal qui s’inscrit dans le temps, fuyant l’instant et ses leurres au profit d’une vérité inscrite dans la longévité. Une étoile brille sur la cuisine de Xavier Mathieu depuis 20 ans, « sans trop l’avoir cherchée » assure ce dernier qui, depuis, fait montre d’une étonnante régularité.
Lorsqu’il se perd, Xavier Mathieu se retrouve dans la cuisine du Reboul : la soupe au pistou du Phébus est, à la virgule près, conforme à la recette édictée par le cuisinier provençal de la fin du XIXe. Le gigot d’agneau, fondant comme du beurre, a été cuit à l’étouffée, enveloppé dans un sable chaud provenant de la garrigue environnante, le jus de thym apportant de l’ampleur et de l’emphase à cette recette d’autrefois. Petite concession aux terres lointaines, la sauce épaisse nuoc mâm d’anchois, nappe les filets de truite de la Sorgue voisine aux éclats d’amandes fraîche. Les aspérités et la rusticité des anchois contraste avec la suavité du poisson. Le chef joue les contrastes : le chinchard, encore un poisson, cuit à la cire d’abeille des ruches de Joucas est accompagné de petits gnocchis glacés au jus des ocres de Roussillon. Une audacieuse association terre-mer, un jeu entre le grain d’une sauce profonde et le nacré des chairs douces et lisses, sur un lit de fleurs des champs et herbes odorantes…
En salle, Delphine orchestre le service, jette un oeil inquiet, presque maternel, à tous les faits et gestes d’une équipe faussement décontractée, aux aguets pour que, de la cuisine à la table, le récit ne soit jamais interrompu. Alors faut-il y aller ? Oui parce que le soufflé chaud à l’hydromel-glace au miel de lavande est un modèle du genre. Le soufflé combine les textures et le contraste chaud-froid. Définitivement, la modernité n’est pas d’aujourd’hui. Jouant avec les herbes et produits de sa terre, Xavier Mathieu offre un bel instantané de la cuisine provençale contemporaine. Il y a quelque chose de magique dans ses menus ancrés dans les usages d’hier (tomate confite-crème montée au parmesan) et qui regardent demain (shooter de pression glacée d’absinthe des Alpes de Haute-Provence). On y va parce que les contrastes ont été réfléchis, dosés, et les menus sont harmonieux (croustillant de fenouil au lait caillé-aneth acidulé et cacahuètes caramélisées au sel). On y va enfin, parce que le Phébus est une adresse rassurante, un refuge hors du temps, une table qui nous offre ce que le Luberon a de meilleur. L’émotion en plus.
Le Phébus, 220, route de Murs, 84220 Joucas ; infos au 04 90 05 51 31.
Formules 65 et 85 €(végétarien), 80, 85, 120 et 170 €.
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