Edmond Dantès est resté prisonnier des geôles du château d’If durant 14 longues années. Bruno Arcache, lui, ne travaille sur l’île d’If que depuis 10 ans mais ce qui fut un enfer pour l’un est un paradis pour l’autre… A quelques nuances près. Bruno Arcache fait vivre le petit restaurant du château d’If situé dans le bâtiment qui jouxte la forteresse édifiée sur ordre de François Ier. Il a posé le pied sur If pour la première fois en 2012 et le confie à qui veut l’entendre : – Ici, on est au calme, à l’écart de la ville avec une vue à 100% sur le littoral de Marseille recto et sur le grand large, verso. Et puis moi, je prends la bateau pour aller travailler, pas la voiture ».
Une situation pourtant pas si idyllique que ça : – Tout est compliqué lorsqu’on travaille sur une île, du laborieux acheminement des marchandises d’abord à la météo, surtout, qui a droit de vie et de mort sur une journée de travail. Je ne sais jamais quand je vais bosser puisque tout se décide à deux heures près. Ici, on est à la merci du vent, des vagues et de la pluie »…
Dix années se sont écoulées, entre résignation et motivation qui souflent tels des vents contraires, sans discontinuer. Le restaurant du château d’If n’a pas de grande prétention sinon celle de proposer « une petite restauration » à une clientèle, étrangère à 60%. « Les touristes qui passent par If ne sont guère curieux de soupe de poissons ou d’aïoli. J’ai créé et mis à la carte une recette de saucisse cochon-calamar qui ne décolle pas. Pourtant, je la sers avec une bonne écrasée de pommes de terre… Ça reste un restaurant touristique ».
Le rituel de 8h du matin
Animé par deux personnes tout au long de l’année, le restaurant du château d’If comptera quatre effectifs durant le mois d’août. « Jusqu’à l’épisode Covid de 2020, puis la guerre en Ukraine, nous avions beaucoup de touristes de Russie et des pays de l’Est où l’œuvre de Dumas est étudiée, rappelle le maître-queux du château aux trois tours. On accueille beaucoup de Chinois, des Nord américains et, surtout, beaucoup d’Européens. Le château d’If a longtemps été le premier site de visites payantes jusqu’à la construction du MuCem en 2013″.
« Toujours, le respect des touristes, même s’ils ne reviennent plus »
Bruno Arcache
Chaque matin, vers 8 heures, Bruno monte dans son bateau, un Zodiac amarré dans le Vieux-Port et entame sa traversée. Un moment de quiétude qui l’aide à remettre de l’ordre dans ses pensées et à se confier : – Malgré la difficulté de l’équation, je respecte le client comme partout ailleurs même si en les voyant partir, je sais que je n’en reverrai plus l’écrasante majorité ».
Le perco au fond de l’eau
En dépit du soleil de plomb de cet été 2022, les navettes généreuses déversent par vagues de centaines de touristes toutes les demi-heures. Autant de coups de feu que Bruno gère avec le sourire, fier de faire découvrir ses sirops d’hibiscus ou d’orgeat maison, de servir un rosé bio d’un pote du Luberon ou de rafraîchir avec un gaspacho cuisiné il y a deux heures à peine… « J’aime le calme qui règne sur l’île et ici, il n’y a pas de musique. Nous sommes dans le parc naturel des calanques et vivons en harmonie avec les animaux qui survolent l’île ou y habitent. Le bruit est une pollution comme une autre qui n’a pas droit de cité ici ».
Un calme qui permet à Bruno Arcache d’organiser des soirées privées, pour des entreprises ou des particuliers, de 15 à 100 convives. « Venir en soirée, lorsqu’If est désertée, admirer le soleil couchant, trinquer et dîner face à la mer est un immense privilège à 15 minutes seulement du centre-ville » concède l’hôte de l’ïle. Une vie qui, parfois, conduit à de grands moments de solitude tel ce jour où Bruno a prévenu, par téléphone, les cafés Henri Blanc qu’un percolateur, tout juste révisé, lui avait échappé au débarquement et avait fini dans l’eau… « Ça fait partie des aléas de la vie sur l’île », sourit-il.
Restaurant du château d’If, Marseille en face (site web ici) ; accès à l’île avec les navettes Frioul–If ou avec Icard maritime, les Compagnies maritimes. Carte de 20 à 30 €.
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