Il y a deux mois, début février 2024, le Grand Pastis annonçait l’arrivée de Sylvain Touati aux Trois Forts, le restaurant du Sofitel Vieux-Port. « Un recrutement on ne peut plus marseillais, avec un chef qui a grandi à Endoume », se réjouit encore Vincent Gaymard, le directeur de l’hôtel. Pour célébrer les arrivées conjointes du printemps et de son chef, l’hôtel emblème du groupe Accor a organisé un déjeuner-cocktail en invitant quelques médias afin de se faire une idée précise des talents de cette recrue tout juste quadragénaire.
Premier constat, et pour enfoncer le clou de son identité régionale, le chef mise tout sur le local et le méditerranéen. La brousse du Rove est parsemée de petits champignons à la grecque-petits-pois et radis en salade à l’huile de laurier, les sardines sont marinées aux oignons doux épices pissalat-jaune d’œuf confit au citron et poutargue. Petite exception pour confirmer la règle : la saint-jacques est travaillée en fine raviole truffée sur un crémeux d’artichauts. Les saveurs de la brousse sont timorées mais le caractère gras de la sardine est fouetté par l’acide de l’agrume ; le chef entame le récit d’un repas vitrine qui, peu à peu, va gagner en intensité.
Un style assumé pour le restaurant les Trois Forts
Grand absent des menus contemporains, l’amer revient ici avec courage dans ce barbajuan (sorte de mini tielle) aux blettes-artichauts pignons et concombre. Suivent ensuite des pieds-paquets d’encornets-écume de soupe de poissons de roche, une composition créative et très identitaire à savourer sans bouder son plaisir face à la mer. Les années sont passées, les styles de vie aussi. Désormais, le Sofitel accueille en mode cool avec un service soucieux de bien faire mais beaucoup plus aérien qu’auparavant. On se prélasse dans un canapé à l’heure apéritive, on traîne à table à l’heure du dessert et du café tout en refaisant le monde.
Fraise, citron, fleur d’oranger… Marseille dans l’assiette
Si les assiettes avaient un accent, il serait provençal et à la sobriété des plats salés, répond la fantaisie des desserts qui bousculent les codes. Touati, dès son arrivée, est allé goûter le castel du Trianon, la pâtisserie voisine. Il en a retenu les arcanes du goût pour proposer une crème pralinée-éclats de meringues et quenelle de sorbet citron ; hommage pensé et retravaillé à sa sauce pour un dessert devenu mythique. Fruit roi de la saison, la fraise Cléry s’accompagne d’une évidente rhubarbe acidulée-crème vanillée et d’un chichi frégi à la fleur d’oranger. L’Estaque est en face sur la côte, les sourires trahissent une heureuse surprise.
Alors Vincent Gaymard a-t-il eu raison de croire en Sylvain Touati ? Puisque l’heure est aux paris, nous, on dit oui. On aime le caractère très sudiste, pour ne pas dire bucco-rhodanien, de cette cuisine baignée de soleil. Il y a quelques timidités (la brousse et ses petits pois atones) et de belles idées (pieds paquets d’encornets). Vous retrouverez de l’audace dans l’amer du barbajuan et le sorbet citron qui accompagne le castel. Au restaurant les Trois Forts, Sylvain Touati propose sa vision de la cuisine marseillaise d’aujourd’hui, chose finalement rare chez ses contemporains.
Restaurant les Trois Forts, Sofitel Marseille-Vieux-Port, 36, bd Charles-Livon, Marseille 7e arr. ; infos au 04 91 15 59 00. Carte 100 €.
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