Comme la promesse d’un éternel été, le restaurant Safran réchauffe désormais le cours d’Estienne d’Orves de ses belles couleurs orangées. Un certain jeudi 23 mars, le trio Romain, Aristote et Marion a accueilli ses premiers clients avec une promesse : celle d’une adresse de bon goût, festive comme une plage en été, savoureuse comme sait l’être la Méditerranée. « La cuisine, on la voulait comme ça, explique Romain Cohen. On est des Marseillais de pure souche et c’est ce patrimoine qu’on a voulu retranscrire dans les assiettes ». Aristote, ilien d’origine grecque, a eu besoin de 24 heures pour convaincre son pote que ce troquet allait devenir le leur. Il n’en a pas fallu plus pour convaincre Romain, exilé 8 ans à Paris et revenu dare dare à Marseille, il y a quelques années, que c’était le moment où jamais pour changer de vie.
Un peu à la façon d’une taverne, on vient chez Safran prendre un café, boire un verre dans l’après-midi. Le déjeuner accueille vacanciers et bosseurs. Le soir, comme on le ferait sur un petit port italien ou chypriote, on dîne au son des DJ’s invités qui accompagnent les tintements de verre pour une soirée « ambiancée » comme trop peu de restaurants en proposent. La carte évite tous les clichés folkloriques et se concentre sur des produits de très très haut niveau. Marion Chateau, fille d’une longue lignée de Marseillais, était partie à Bruxelles se perdre dans les brumes du plat pays. La voici de retour au pied de Breteuil avec ses convictions. Ses aperges crues-jaune d’œuf confit noix et poutargue illustrent le courage de cette cuisinière sûre de son marché.
Et il en faut du courage pour servir une asperge crue, dans sa vérité, quand seule l’harmonie des accompagnements compte. Sur les tables voisines, à gauche, un cochon-palourdes pommes de terre et gingembre et, à droite, une épaule d’agneau confite-fèves et artichauts menthe-harissa. Des compositions paysannes et bluffantes : la grande classe. Perso, on va continuer sur les notes herbacées avec ces brocolini-filets de sardines crus et parmesan. Un déjeuner un peu à la façon des Provençaux de Giono, des pâtres grecs sur les collines battues par les vents ou des raaï de la plaine de la Bekaa. Derrière l’humilité des ingrédients, la noblesse des origines et l’intelligence des compositions.
Le dessert : un yaourt comme une glace-éclats de pistaches sucrées et coulis de jus confit d’olives noires de Kalamata. Le point final d’une odyssée, le vertige de la redescente sur terre. Le soleil cogne sur d’Orves, l’été est bel et bien là.
Très loin de ces modes parisiennes qui viennent nous expliquer ce que c’est un pois chiche, Safran renoue avec l’ADN du goût marseillais. Une cuisine faite avec ces petites choses que la nature nous offre et qu’une main de femme transforme. C’est d’une grande dignité et il y a de fortes chances pour que vous adoriez.
Restaurant Safran, 26, cours Honoré-d’Estienne d’Orves, Marseille 1er ; 04 13 41 86 55. Midi 15 et 20 €. Carte : 47-50 €. Belle carte de cocktails de 10 à 13 €. Bon choix de vins blancs à partir de 21 €.
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