Ils ont transformé l’adresse en un restaurant intime, conservant les volumes et aménageant une salle discrète à l’étage, Guillaume Bonneaud et Julien Diaz ont (enfin) ouvert leur établissement. Comme ils l’avaient promis, la cuisine regarde la salle, à moins que ce ne soit l’inverse, permettant un jeu de regards entre le chef et ses clients. Autour de Diaz, Francesco le Napolitain, Statis le Grec, pour nous mettre en assiettes une carte méditerranéenne au sens large et corse en particulier. Il suffit de lire la carte des vins qu’a dessinée Bonneaud pour s’en convaincre : chez Antoine Arena (AOC patrimonio) le Carco blanc en 2015 ou le Morta Maio rouge en 2011 ; en IGP île de beauté, le Clos Ornasca muscat petit grain de Laetitia Tola (2015)… Bien sûr, les incursions en Bourgogne et dans les grands vignobles de France parfont l’offre viticole visiblement renouvelée, composée de valeurs sûres mais sortant des sentiers battus.
Sans le dire, mais le pensant à haute voix, le chef rêve de retrouver l’étoile que le Michelin lui avait attribuée en Corse. Diaz a le geste sûr, sa main ne tremble pas, les dosages et équilibres sont parfaits. Ses assiettes dévoilent son attachement à la Corse, à l’instar du poulpe rôti au four escorté d’une purée d’aubergines, de fines lamelles de jeune betterave et d’une pointe de piment. Diaz a son style, sa façon de faire, de voir et d’imaginer les plats, les filets de mérou fumés et marinés sont posés sur une gelée de cédrat et immortelle. Ça respire la maquis à plein nez, une finale persistante en bouche nous raconte une plongée en mer en plein été. Rustique mais raffiné, le râble de lapin désossé enveloppé de speck nous ramène sur la terre ferme. Toutes les recettes sont mesurées, balancées, on croirait lire une partition musicale, Diaz fait son solfège. Loin d’être maniérée, la mise des assiettes est virile tout comme cette cuisine où les silences apportent une respiration dans le service, ils laissent aux arômes le temps de s’exhaler. Un soufflé au chocolat ? Un canistrelli aux agrumes ? Ce sera un baba aux fruits avec une crème de lemoncurd et une quenelle de sorbet fruit de la passion au pacojet pour en garantir l’oncuosité et la suavité.
Statis s’applique, découpe les fruits, monte sa composition aussi belle que bonne ; le bon baba imbibé redevient gourmand et coquin, des qualités dont les desserts, embués dans le pédantisme ambiant, sont bien souvent privés. Alors faut-il y aller ? Oui pour découvrir un style captivant presqu’hypnotique. Oui si vous aimez les cuisiniers qui ont quelque chose à raconter. Oui si vous avez la bonne idée de manger, seul ou à deux, au comptoir, le nez dans la cuisine pour profiter du spectacle. Oui car dans quelques mois vous pourrez dire que vous y êtes déjà allés…
Saisons, 8, rue Sainte-Victoire, Marseille 6e arr. ; résas au 09 51 89 18 38.
Formules déjeuner 24 et 29 euros. Menus 55 et 85 euros. Fermé samedi, dimanche et lundi soir.